Fanny Jaffrès est ingénieure de recherche au sein du département des Sciences humaines et sociales à l’EHESP et rattachée au laboratoire Arènes (UMR 6051).
À l’occasion de la publication de son ouvrage « Inclure ou protéger ? Le travail des personnes handicapées en France et en Suède » (Presses de l’EHESP, avril 2025), elle présente son parcours et nous parle de ses recherches…
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre parcours ?
Formée à l’analyse des politiques publiques à l’Institut d’études politiques (IEP) de Rennes, j’ai rapidement choisi de me spécialiser dans les politiques sociales en suivant le parcours « Situation de handicap et participation sociale » à l’EHESP. À l’issue de ce master, j’ai obtenu un premier contrat d’ingénieure d’études à l’école, qui m’a permis de découvrir le monde de la recherche de l’intérieur et de confirmer mon envie de réaliser une thèse.
En 2017, je me suis donc inscrite en doctorat de sociologie à l’Université Paris 8 sous la direction de Nicolas Duvoux. Après 4 ans de travaux, j’ai soutenu ma thèse en 2021, intitulée « Le travail protégé à l’ère de l’inclusion. Analyse de l’action publique pour l’emploi et le travail des personnes handicapées en France et en Suède ». J’ai ensuite poursuivi mes recherches en m’intéressant aux liens entre politiques de santé au travail et politiques d’emploi des personnes handicapées à travers l’enjeu du maintien en emploi à l’hôpital.
Aujourd’hui, je travaille sur deux programmes de recherche :
- le programme PRESPOL, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), pour lequel je conduis une enquête comparative entre la France et la Suède sur l’emploi accompagné
- le programme Emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, financé par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), pour lequel je participe à une recherche-intervention avec le CHU de Rennes sur la soutenabilité du travail hospitalier.
Quel est le sujet de vos recherches ?
Voilà plus de 10 ans que je travaille sur les politiques d’emploi des personnes handicapées. Dans l’ensemble, mes travaux s’attachent à développer une approche sociale du handicap. En d’autres mots, je montre l’importance des facteurs sociaux et environnementaux dans la possibilité ou non d’occuper des rôles sociaux et notamment professionnels, pour les personnes présentant une déficience et/ou des problèmes de santé. Comme tous les chercheurs, je diffuse mes travaux dans la sphère académique à travers des publications dans des revues scientifiques ou des colloques. Mais je souhaite aussi diffuser mes résultats auprès des acteurs de terrain et des personnes concernées, de manière à ce que les avancées de la recherche leur soient directement accessibles. C’est dans cette optique que la publication d’un ouvrage tiré de ma thèse comptait pour moi.
Pouvez-vous nous parler de votre ouvrage ?
Tiré de ma thèse, cet ouvrage explique comment la Suède est parvenue à davantage développer l’emploi en milieu ordinaire des personnes handicapées – notamment grâce aux méthodes d’emploi accompagné, et pourquoi la France reste quant à elle attachée aux institutions de travail protégé. Alors que les établissements et services d’accompagnement par le travail (Ésat) sont souvent accusés de ne pas laisser les travailleurs handicapés en sortir, mon ouvrage vient au contraire souligner les responsabilités des employeurs de droit commun dans la mise en œuvre de l’objectif d’inclusion. J’ai aussi souhaité dans cet ouvrage, interroger l’idée, aujourd’hui très présente selon laquelle l’inclusion en milieu ordinaire vaudrait nécessairement mieux que la prise en charge en institutions spécialisées. En effet, l’arbitrage entre travail protégé et inclusion en milieu ordinaire, notamment pour les personnes concernées, est loin d’être évident. En fait, elles se retrouvent face à un choix cornélien : être inclus ou être protégé, mais elles peuvent malheureusement rarement cumuler les deux.