Le projet de recherche Droits des Exilés en temps de Crise : Hospitalité et Engagement (DECHE), financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), s’intéresse à la situation des personnes exilées dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19 à Rennes, sur les plans de l’éducation, de l’alimentation et du logement. Patricia Loncle, professeure des universités en sociologie et en science politique à l’EHESP, a intégré l’équipe pluridisciplinaire du projet et a participé aux travaux plus spécifiquement sur le logement et l’hébergement des personnes exilées.

Le 30 juin 2021, elle présentera les résultats de ces recherches aux côtés de Fransez Poisson, docteur en science politique, maître de conférences associé à l’IUT de Rennes et au sein de l’UMR Arènes, lors de la rencontre scientifique « Les effets de la pandémie de Covid-19. Documenter, décrire, analyser » organisée par la plateforme de recherche SHS Santé les 29 et 30 juin 2021 au Centre de colloques du Campus Condorcet à Paris.

Logement et hébergement des personnes exilées à Rennes : une recherche des effets de la crise Covid-19 sur les actions publiques et collectives

Le confinement qui a été mis en place avec la crise sanitaire de la Covid-19 a placé au cœur des priorités la question du logement et de l’hébergement, en particulier pour les populations en situation de précarité. Le logement et l’hébergement des personnes exilées (migrants, demandeurs d’asile, réfugiés, étrangers en situation de précarité) relève des pouvoirs publics, mais pour pallier le manque de places et les situations non prises en charge, ces dispositifs sont complétés grâce à des associations, des collectifs et des citoyens qui se mobilisent. La crise sanitaire a obligé l’ensemble de ces acteurs à réorganiser une partie de leurs actions dans le territoire, dans la mesure où les solutions d’hébergements collectifs n’étaient pas adaptées à la situation sanitaire. Au travers d’entretiens menés auprès de personnes exilées, de membres d’associations ou collectifs, et d’acteurs institutionnels, l’objectif du projet DECHE était de déterminer dans quelle mesure les mobilisations collectives ont permis de garantir le droit à l’hébergement et au logement des personnes exilées à Rennes durant la crise sanitaire.

Des résultats qui pointent la nécessité du dialogue et de la coopération entre acteurs publics et associatifs

Après avoir dressé un état des lieux de la situation du logement et de l’hébergement des personnes exilées à Rennes avant la survenue de la crise sanitaire, les chercheurs se sont intéressés aux évolutions et aux tensions générées par la crise dans ce domaine. Ils ont ainsi montré comment la crise avait contribué à remettre en cause des solutions d’hébergement collectif (évacuation des accueils collectifs municipaux et démantèlement d’un squat). Par ailleurs, l’analyse des relations entre acteurs publics et acteurs associatifs a fait apparaître des tensions qui se sont révélées avec la crise, mais aussi des partenariats qui ont été mis en œuvre pour gérer la crise avec une certaine réactivité. Enfin cette recherche a permis de pointer le rôle de plaidoyer des associations et collectifs pour alerter sur l’insuffisance de l’offre ou la médiocrité de certains logements.

Dans le territoire rennais, la survenue de la crise sanitaire a contribué à mettre en avant l’insalubrité des conditions dans lesquelles vivent de nombreuses personnes exilées, générant de fortes incertitudes du point de vue de leur intégration économique et sociale. Si la situation dénoncée par les associations depuis de nombreuses années semblait à l’arrêt avant la survenue de l’épidémie, le risque de propagation du virus a conduit les pouvoirs publics, du fait du confinement, à un relogement des personnes dans des lieux permettant la mise en place des mesures sanitaires. Toutes les personnes ont pu être relogées et les cas de contamination semblent avoir été très limités au sein de cette population.

Néanmoins, il reste à observer les effets à long terme de cette période. Les prises de conscience relatives à l’insuffisance des places d’hébergement et de logement et à leur qualité parfois médiocre donneront-elles lieu à des réfections importantes et/ou à des relogements ? Les tensions entre l’État et les associations évolueront-elles vers plus de dialogue ? Les situations des personnes exilées et leurs demandes seront-elles mieux prises en compte par l’ensemble des protagonistes ?

 

Publié le 30 juin 2021