Retrouvez, sur cette page, les résumés, ressources vidéos et supports de présentation associés aux différents séminaires organisés par l’équipe de la Chaire « Enfance, bien-être et parentalité ».

Séminaire 1 – Comprendre et comparer le bien-être : déterminants et indicateurs (29 novembre 2017)

Le premier séminaire de la Chaire « Enfance, bien-être et parentalité » s’est tenu le 29 novembre 2017 à Rennes. Cette première séance consacrée au bien-être et à ses déterminants a permis de s’interroger sur les usages, la pertinence et l’évolution des indicateurs permettant de le mesurer.

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Frank Furstenberg (U. Pennsylvania) : Changements familiaux dans une perspective globale

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La présentation  de  Frank  Furstenberg  est une introduction à l’ensemble du séminaire, au sens où ce spécialiste internationalement reconnu des changements familiaux dans le monde propose de rendre compte du contexte dans lequel les enfants sont désormais socialisés, en accordant une attention particulière aux impacts différenciés de ces changements globaux sur les familles selon les classes sociales et bien sûr selon les pays. Impliqué dans un projet de grande ampleur sur les changements familiaux au niveau global (Global family change),c’est-à-dire sur les liens entre développement économique dans 84 pays à niveau de ressources faible ou moyen (en Amérique central et du Sud, en Afrique du Nord, sub-Saharienne et Moyen-Orientale, en Asie, et dans d’ex-républiques de l’union soviétique), il était particulièrement bien placé pour articuler l’enjeu du bien-être des enfants dans des contextes familiaux changeants.

Partant du constat que les changements qui ont affecté les familles au cours des cinquante dernières années dans les pays dits développés occidentaux sont plus importants que ceux qui ont marqué les 500 ans qui ont précédé, Frank Furstenberg commence par rappeler quelques-unes de ces grandes tendances qui, à des rythmes divers (et prenant le plus souvent les scientifiques par surprise), ont affecté l’ensemble des pays occidentaux : rupture du lien entre sexualité, mariage et procréation ; affaiblissement de l’institution matrimoniale ; remise en cause du contrat de genre du type « Monsieur Gagnepain – Madame Au foyer » ; augmentation du nombre des ménages sans enfants, mais aussi des naissances hors du mariage ; précocité de l’accès à la sexualité mais retard de l’accès à l’indépendance des jeunes, etc. Il insiste également sur les principaux facteurs avancés pour expliquer ces changements, parmi lesquels on peut mentionner les variables économiques (capitalisme de marché, croissance et recours au salariat féminin), culturelles (avec l’évolution des rôles des sexes, la reconnaissance des droits des femmes et le rôle de l’éducation dans la production d’un capital humain) et le rôle des politiques publiques (et notamment des politiques familiales et éducatives), mais aussi de l’avènement du numérique qui impacte aussi bien l’économie, les modes de production que les modes de vie.

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Mais Frank Furstenberg insiste surtout sur le fait que ces changements ont généré dans la plupart des pays occidentaux (Etats-Unis et plus largement les pays de langue anglaise, voire d’autres pays européens) une famille à deux vitesses, voire même à trois vitesses. Le dualisme est manifeste dans les normes dominantes concernant la famille et les rôles dans la famille selon les classes sociales. Dans les familles aisées, on constate un fort investissement parental sur un moindre nombre d’enfants avec le recours à ce qu’Annette Lareau a qualifié de concerted cultivation pour désigner cet investissement parental dans l’optimisation du contexte de socialisation de l’enfant (parents managers). Cet investissement a bien sûr pour finalité de garantir des formes de reproduction sociale, précisément dans un contexte d’affaiblissement de l’ascenseur social et des garanties que fournissait auparavant le système scolaire. Les transitions vers l’âge adulte de leurs jeunes sont plus longues avec une volonté de faire du mariage un levier supplémentaire. Dans les familles de milieu défavorisé, la formation des familles intervient plus tôt, mais souvent de manière non planifiée, sachant que pour une partie des hommes de ces milieux le mariage n’est pas accessible. La cohabitation est alors une alternative au mariage donnant lieu à des couples à la fois plus fragiles et aux trajectoires plus complexes. La mobilité sociale est le plus souvent compromise de même que l’investissement parental.

Mais l’intérêt de l’analyse proposée est aussi de mettre en lumière la situation des couches moyennes, non seulement parce qu’elles représentent une vaste majorité dans ces sociétés dites développées avec des segments de plus en plus différenciables entre les franges hautes, moyennes et basses de ces couches sociales. Ces « familles du milieu » sont en quelque sorte tirées dans les deux directions : certains parents adoptent manifestement le modèle concerted cultivation mais avec des ressources moindres, et donc avec de moindres garanties pour faire accéder leurs enfants aux meilleures positions ; d’autres sont en quelque sorte tirées vers le bas avec des effets préjudiciables, qu’il s’agisse de l’allongement des situations de dépendance de leurs jeunes contraints à la cohabitation faute d’avoir accès à l’emploi et à l’autonomie, ou bien encore à des sentiments de disqualification, voire à des formes de ressentiment liées aux promesses non tenues par l’Etat et les politiques publiques. Frank Furstenberg insiste en ce sens sur le rôle particulièrement important que peuvent jouer dans ce contexte les politiques publiques et les politiques visant à compenser ces inégalités croissantes.

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Wolfgang Aschauer (U. Salzburg) : Vue d’ensemble des concepts de bien-être : potentiels et limites dans la recherche transculturelle

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La  présentation proposée par Wolfgang Aschauer aborde les questions de définition et de comparabilité des indicateurs de bien-être. Si l’on a assisté ces dernières années à un important développement des recherches sur cette notion de bien-être (aussi bien en économie, en psychologie, en sciences politiques qu’en sociologie), d’importantes difficultés persistent sur la définition des éléments fondamentaux qui constituent « une vie bonne ». Le PIB a longtemps été considéré comme la mesure principale du bien-être des populations. L’index de développement humain proposé par l’OCDE a lui aussi permis d’effectuer de nombreuses mesures, à un niveau multidimensionnel. Wolfgang Aschauer expose la grande diversité d’indicateurs à notre disposition aujourd’hui pour mesurer ou approcher le niveau de  bien-être. Il distingue les indicateurs objectifs et subjectifs, unidimensionnels comme multidimensionnels. Il souligne également les différentes recherches qui ont été faites autour des questions de bonheur et de satisfaction, telles que le World Happiness Report ou encore les études comparatives entre pays comme les European Social Surveys.

Parmi ces études, deux champs de recherche se distinguent : d’un côté, une approche par le niveau de vie (et l’on pourrait ajouter les états de santé) et de l’autre l’analyse du bien-être subjectif. Parmi ces nombreuses études et indicateurs de mesure proposés, il est important de vérifier et de favoriser la validité et la comparabilité des données. Wolfgang Aschauer relève plusieurs faiblesses relatives à ces mesures du bien-être. Tout d’abord, les mesures de cette notion ne reposent parfois que sur un seul indicateur, ce qui pose plusieurs questions. Comment un seul indicateur peut-il résumer et prendre en compte à lui seul toutes les dimensions que regroupe une notion aussi vaste et complexe que le bien-être des individus ? Ensuite comment ce seul indicateur peut-il permettre de comparer les individus ou encore les pays, entre eux ?

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Wolfgang Aschauer considère qu’interroger les individus sur leur propre ressenti de bien-être n’est pas forcément une donnée très fiable, car le « bonheur rapporté » est une faible indication du ressenti général (par exemple, dans certains pays, on exprime difficilement son mal-être ou n’évoque pas facilement le fait de ne pas être heureux quand dans d’autres cela peut être l’inverse). Il est donc important de trouver des tables d’équivalence et des indicateurs qui soient comparables entre pays et cultures.

Wolfgang Aschauer s’intéresse également à la question du « malaise social » et explique que pour le mesurer, une conception multidimensionnelle a été mise en place. Une équivalence transnationale a été partiellement atteinte (essentiellement au sein des pays Européens) et les résultats indiquent que les différences entre les régions sont prises en compte de manière adéquate. Les résultats montrent ainsi que dans les pays du Nord de l’Europe, l’inclusion sociale est davantage réussie et le niveau de satisfaction des citoyens plus élevé, du fait d’une relative prospérité économique, d’une dette publique relativement faible et de la qualité des régimes démocratiques. En revanche, la peur du déclin social (qui augmente la dette publique) dans les Etats plus conservateurs et une plus grande précarisation dans les pays libéraux amènent à des niveaux élevés d’insatisfaction. En Europe du Sud, on observe un important pessimisme par rapport à l’avenir, en raison notamment d’une perspective économique négative, d’une dette publique extraordinairement élevée et d’un chômage grandissant. Enfin, en Europe de l’Est, le malaise social est essentiellement dû à la faible qualité des démocraties.

Wolfgang Aschauer estime nécessaire d’affiner les concepts, de distinguer leur mesure par régions et groupes sociaux. Selon lui, il faut en premier lieu s’intéresser à la validité du contenu avant même de vouloir tout de suite comparer les résultats, voire veiller à faire émerger de nouvelles unités d’analyse. Il propose en somme de fonctionner par étapes et de commencer en premier lieu par le développement de la recherche qualitative pour saisir toutes les facettes du concept de bien-être. Ensuite, le but pourrait être d’opérationnaliser ce premier matériau à travers des analyses quantitatives et des évaluations empiriques au sein d’un même pays.  Une fois établie la validité des résultats, des choix s’imposent concernant les questions de comparabilité. Ces concepts ont besoin d’être entièrement et exhaustivement mesurés dans toutes les cultures, et cela est pertinent principalement pour les sous-populations qui sont parfois difficiles d’accès dans les enquêtes, tels que les réfugiés, les enfants, les personnes âgées, par exemple.

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Cette intervention de Wolfgang Aschauer a donné lieu à la publication d’un article dans le numéro spécial de la Revue des Politiques Sociales et Familiales consacré au bien-être des enfants disponible ici.

Michel Forsé (CNRS) : Le bien-être subjectif et le sentiment de justice sociale

Michel Forsé revient dans sa présentation sur une longue tradition de réflexion en économie du bien-être, qualifiée aussi de Welfarisme. À la différence de l’utilitarisme classique qui envisage, pour apprécier le bien-être, de sommer les actions qui augmentent les utilités et intérêts individuels et réduisent les peines ou les souffrances de chacun, avant d’agréger ces « bien-être » individuels, le welfarisme pose la question des actions au service du plus grand nombre, du collectif. Cette dimension collective du bien-être, telle que définie par Amartya Sen (1991), repose sur les préférences des individus ; la satisfaction du plus grand nombre renvoyant à la liberté dont disposent les individus pour mener à bien les projets de leur choix en fonction de leurs propres préférences. Sen parle de « capabilités » ou encore du « pouvoir d’être ou de faire ». La question demeure cependant de savoir comment agréger ces préférences individuelles pour apprécier le bien-être collectif.

Michel Forsé défend une conception pluridimensionnelle du bien-être, qu’il soit individuel, collectif, objectif ou subjectif.  Il privilégie une approche centrée sur la satisfaction dans l’existence, mais aussi un des volets tout à fait centraux du bien-être subjectif, à savoir la comparaison à autrui. Pour ce qui est du bien-être subjectif, il relève trois dimensions déterminantes de la satisfaction à l’égard de sa propre vie : les ressources de l’individu, aussi bien financières que celles se rapportant à la santé physique et mentale ; l’emploi et la qualité de vie professionnelle associés au sentiment de réussite, à la reconnaissance et aux projets professionnels, et enfin les différents aspects de la vie affective et sociale (le couple, les enfants, les amis…). Mais demander aux individus une évaluation soi-disant objective de leur vie n’est pas chose aisée pour plusieurs raisons : globalement, les individus ont tendance à se comparer à des personnes qui ont mieux réussi qu’eux et la satisfaction dépend grandement de ces comparaisons aux autres. Pour ce qui est du travail, l’impression de s’en sortir mieux que ses pairs est gratifiant. Typiquement, la satisfaction moyenne d’un chômeur est de 5,3 alors que celle d’une personne en emploi est de 6,4 sur une échelle de 10. Mais au-delà de la position sociale et de sa place au sein de la hiérarchie, c’est également le sentiment de progresser qui augmente le bien-être subjectif. Et à l’inverse, la frustration nourrit l’insatisfaction.

Michel Forsé s’attarde ensuite sur la notion de justice sociale, qui selon lui, est un facteur important du sentiment de bien-être. La justice sociale peut se mesurer à plusieurs niveaux : la micro-justice se mesure à un niveau individuel, avec notamment la justice que peut éprouver un individu sur sa propre rémunération, tandis que la macro-justice se situe à un niveau plus global comme étant le fait qu’on estime que la société est plus ou moins juste. Trois liaisons fortes apparaissent alors : celle entre les sentiments de micro et de macro-justice, celle entre bien-être et micro-justice et celle entre bien-être et macro-justice. Ceux qui estiment que la société est injuste seraient des insatisfaits qui cumulent faiblesse des ressources et frustration, les conduisant ainsi à se sentir moins bien traités par la société que les autres. Le sentiment d’échec, dans sa vie personnelle comme professionnelle, conduit à percevoir la société comme plus injuste que ceux qui réussissent professionnellement ou qui ont une vie de couple et/ou de famille épanouie. Et cette évaluation de ses propres réussites et échec passe justement par la comparaison aux autres. Cette approche de la justice sociale « tend à faire de la justice le principe d’organisation et de compréhension de la cohésion sociale, au sein de laquelle le bien-être a une place ».
Accédez à l’article de Michel Forsé sur Cairn.info

Michèle Lamont (Harvard) : Social resilience in the Neoliberal Era

Michèle Lamont rappelle tout d’abord dans sa présentation un  ensemble de travaux collectifs qu’elle coordonne depuis près de quinze ans avec Peter Hall à l’Université d’Harvard et qui font suite à une longue tradition de recherches sur les questions de bien-être, notamment celles de Michael Marmot sur la manière « dont le stress et les inégalités entrent sous la peau » ou celles d’Amartya Sen sur les capabilités. Ce programme pluriannuel, intitulé Successfull societies et soutenu par l’Institut canadien de recherches avancées, a donné lieu à deux ouvrages collectifs : Successful Societies: How Institutions and Culture Affect Health, et Social Resilience In The Neoliberal Era (tous deux édités avec Peter Hall et publié par Cambridge University Press). L’objectif de ce programme est de mobiliser deux angles théoriques sur la compréhension des questions de bien-être collectif : celui des cultural studies et celui des approches institutionnalistes. Ces angles permettent de renouveler les approches écologiques et en termes de santé publique pour articuler ensemble des niveaux micro, méso et macro-sociologiques. Ces démarches s’intéressent tout particulièrement aux aspects symboliques et à la question des valeurs et des récits collectifs. Elles mobilisent également de manière critique la notion de « résilience », non pas à l’échelle de l’individu mais à l’échelle sociétale, pour comprendre comment les individus et les groupes font face au néolibéralisme et à son cortège de valeurs, comme la compétitivité et la privatisation des risques.

Pour aborder le bien-être subjectif, Michèle Lamont privilégie l’échelle des valeurs. Elle a appliqué cette approche dans son travail sur « la dignité des travailleurs ». L’objectif est de compléter l’angle classique consistant à mesurer les écarts entre les niveaux de ressources, les indicateurs de santé et de morbidité en accordant une attention particulière, voire première, à la question de la reconnaissance (en référence au concept d’Axel Honneth), ce qu’elle appelle « recognition gap ». Ce focus permet en effet de contrer les tendances pathologiques du social qui s’expriment par les expériences négatives d’injustice. Pour Lamont, la question n’est pas seulement de savoir si l’on se sent plus ou moins bien, mais de comprendre comment collectivement les individus et les groupes s’appuient sur des valeurs collectives, des group boundaries, leur permettant de faire face à l’injonction d’autonomie qu’impose le néo-libéralisme qui tend à décollectiviser, individualiser et responsabiliser.

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La comparaison est mise au service de ce projet global en identifiant des répertoires culturels. Sont ainsi évoqués le républicanisme, le socialisme et le catholicisme. Michèle Lamont présente cette perspective comparée en évoquant dans sa présentation un de ses derniers ouvrages Getting respect, consacré aux expériences de discriminations dans trois contextes nationaux, les USA, le Brésil et Israël. L’objectif général de cette recherche est de montrer  que les expériences personnelles de discrimination et de stigmatisation sont enchassées dans des cadres symboliques et sociaux insérés eux-mêmes dans des répertoires culturels. Interviennent ainsi les structures objectives des inégalités, mais aussi la porosité ou au contraire la rigidité des barrières entre les groupes sociaux (group boundaries), qu’il s’agisse des relations de travail, des relations conjugales. En cela se manifestent des répertoires identitaires et d’action variables selon les sociétés. En combinant la description des expériences individuelles et des récits collectifs, Lamont met en lumière l’impact des contextes nationaux et ainsi par exemple, le « mur racial » qui caractérise la situation états-unienne ou l’identification et la conscience de race sont plus prégnantes que la conscience de classe, d’où une réponse aux discriminations qui prend plus souvent la forme du conflit ou de l’affirmative action, voire pour d’autres le retrait que d’une demande de régulation par l’Etat social. Le modèle métissé qui prévaut au Brésil en appelle davantage aux politiques sociales pour faire obstacle aux expressions des inégalités d’abord perçues entre riches et pauvres plutôt qu’entre races.

L’ensemble de cette présentation ouvre des discussions sur ce que peut recouvrir dans ce contexte la résilience sociale comme processus de construction de soi face aux injustices et aux expressions de mépris et de discriminations.

 

Cette intervention de Michèle Lamont a donné lieu à la publication d’un article dans le numéro spécial de la Revue des Politiques Sociales et Familiales consacré au bien-être des enfants disponible ici.

Discussion finale

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Séminaire 2 – Le bien-être subjectif des enfants (28-29 juin 2018)

Le second séminaire de la Chaire « Enfance, bien-être et parentalité » s’est tenu les 28 et 29 juin 2018 à Rennes. Cette deuxième séance consacrée au bien-être subjectif des enfants a réuni des spécialistes internationaux de a question.

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Jonathan Bradshaw (Université de York, Grande-Bretagne): Questionnements autour de l’étude du bien-être subjectif des enfants

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Jonathan Bradshaw, un des spécialistes les plus reconnus de l’étude du bien-être des enfants dans le monde, fait directement le lien dans sa présentation avec le précédent séminaire consacré à la notion plus globale de bien-être et qui avait soulevé plusieurs questions. Jonathan Bradshaw retient ainsi trois questions principales :

  • L’étude du bien-être subjectif des enfants n’est-elle qu’un écran de fumée qui ne permet pas d’aborder les questions essentielles ?
  • Les comparaisons du bien-être subjectif des enfants sont-elles valides et fiables ?
  • Quelles conséquences de ces études sur le bien-être subjectif des enfants pour la définition de politiques publiques ?

Jonathan Bradshaw souligne le fait qu’en Angleterre, après 2010, le bien-être des enfants et ses indicateurs de mesure se sont nettement améliorés. En 2007, les rapports de l’UNICEF plaçaient la France et l’Angleterre en bas du tableau concernant les niveaux de bien-être des enfants, alors qu’en 2013 les résultats sont nettement meilleurs et les deux pays se situent au milieu du classement. Jonathan Bradshaw comprend la question de « l’écran de fumée » dans un contexte où le gouvernement britannique vient juste de commencer à mesurer l’aspect subjectif du bien-être des enfants, alors qu’en même temps il coupe les aides de l’Etat à destination des enfants. Selon lui, les politiques devraient avant tout être concernées par la pauvreté des enfants qui a un impact considérable sur leurs niveaux de bien-être. Le bien-être subjectif n’est finalement qu’une dimension du bien-être.  L’UNICEF et l’OCDE rappellent que le bien-être matériel, la santé, l’éducation, les comportements, les relations, l’environnement, le lieu d’habitation sont autant d’aspects qui ont des conséquences sur le bien-être des enfants. Si les parents et les grands-parents ont un intérêt à ce que l’enfant soit heureux, l’Etat aussi.

Jonathan Bradshaw relève que les facteurs corrélés au bien-être des adultes ne semblent pas agir pour ce qui concerne le le bien-être des enfants., raison pour laquelle la Convention relative aux Droits de l’Enfant de 1989 préconise d’écouter les enfants concernant leur niveau de bien-être et de satisfaction à l’égard de leur propre vie. A ce jour, dans les études, on se focalise sans doute trop sur la réussite scolaire et la santé des enfants, et pas suffisamment sur la période de l’enfance comme étant une vraie étape de la vie, ce qui est l’une des principales critiques avancées par les sociologues spécialistes de l’enfance.

Certains auteurs mettent en avant le fait qu’il est difficile d’étudier le bien-être subjectif des enfants, car les mesures dont on dispose ne sont pas fiables.  Il leur semble délicat de demander aux enfants ce qu’ils ressentent car, soit ils ne comprennent pas, soit ils sont trop immatures pour émettre un jugement sur leur propre vie et délivrer des réponses fiables, soit leur opinion est elle-même trop instable et dépendante de l’humeur du moment. . C’est effectivement l’une des préoccupations des études qui portent sur le bien-être subjectif. L’enquête Children’s World mesure ainsi de différentes manières le bien-être subjectif des enfants. Une de ces mesures est l’échelle de satisfaction, mais l’enquête inclue aussi des questions sur la famille, la maison, les amis, l’école, la liberté, la santé, l’apparence, les temps de loisirs et le futur. La validité des indicateurs est donc difficile à évaluer et il y a sûrement des limites concernant les enfants en bas âges, mais dans cette enquête, Jonathan Bradshaw affirme ne pas avoir eu de difficultés à évaluer le bien-être subjectif auprès d’enfants âgés dès 8 ans.

Pour autant, il reste très compliqué d’expliquer les variations des niveaux de bien-être entre pays. En général, la famille et la liberté de choisir sont des domaines ayant un impact plus fort sur le bien-être subjectif que les amis ou l’école. Par exemple, les très mauvais niveaux de bien-être exprimés par les enfants coréens et japonais peuvent s’expliquer par le fait que dans ces deux pays, la pression scolaire après l’école est très forte et que la liberté individuelle est également très réduite. Le bien-être matériel est également un aspect important, mais c’est plutôt la pauvreté des enfants et le niveau de privation qui impactent fortement les niveaux de bien-être. Si la structure de la famille n’a aucune importance sur les niveaux de bien-être des enfants, les expériences récentes de harcèlement ont un impact considérable.

Il est vivement recommandé aux politiques publiques d’améliorer le bien-être des enfants.Jonathan Bradshaw souligne cependant que, parfois, les politiques semblent impuissantes : par exemple, si les Etats tentent de réduire le harcèlement à l’école (en France, 17% des variations de niveau de bien-être subjectif des enfants sont expliquées par le harcèlement subi), cela est beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit de harcèlement entre frères et sœurs, ce qui reste très commun. Les conflits parentaux posent le même problème. S’ils ont un fort impact sur les enfants, les politiques publiques ont relativement peu de prise sur ces aspects. Les politiques publiques peuvent cependant permettre de réduire les taux de pauvreté des enfants. Jonathan Bradshaw montre effectivement qu’il y a une forte corrélation entre les niveaux de pauvreté et le bien-être subjectif des enfants. Et au niveau individuel, cette association est encore plus forte.

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Cette intervention a donné lieu à la publication d’un article dans le numéro spécial de la Revue des Politiques Sociales et Familiales consacré au bien-être des enfants disponible ici.

Michal Molcho (Université Nationale d’Irlande Galway, Irlande) : Enfants, parents et bien-être : leçons de l’enquête HBSC (Enquête sur la Santé et les Comportements des Enfants en Age scolaire)

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Dans son intervention, Michal Molcho, sociologue de l’enfance, présente quelques résultats de l’enquête internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) dont elle est la chercheuse référente pour l’Irlande.

L’enquête HBSC porte sur la santé et le bien-être des adolescents âgés de 11, 13 et 15 ans, des âges qui représentent différents stades de développement et d’étapes dans la scolarité. Elle est menée tous les 4 ans depuis 1982 sous l’égide du bureau Europe de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et implique aujourd’hui plus de 40 pays. Michal Molcho souligne que la priorité de cette enquête est de placer l’enfant au centre de l’analyse et qu’il est important d’étudier les différents contextes dans lesquels il évolue ; ses liens avec la famille, l’école, les groupes de pairs, ses frères et sœurs et au-delà les politiques sociales en vigueur dans son pays.

La condition des enfants a considérablement évolué : si autrefois, dans le monde catholique et protestant les enfants travaillaient très tôt et étaient considérés comme de petits adultes, les Etats ont peu à peu adopté une vision reconnaissant les enfants comme des adultes en devenir et la génération future. L’enfant crée la famille. On parle désormais de famille monoparentale, mais un couple n’est pas reconnu comme une famille. La définition de la famille dépend donc de l’existence de l’enfant. C’est récemment, en 1989, avec la signature de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, que l’enfant est reconnu comme un citoyen ayant des droits.

L’enquête HBSC permet d’apprécier et de mesurer la santé des adolescents, mais aussi de comparer les données entre pays, et même de contribuer à orienter les pratiques et les politiques sociales. La notion de bien-être subjectif est abordée dans cette enquête comme une composante de la santé. Plusieurs mesures du bien-être subjectif sont proposées dans le questionnaire : l’auto-évaluation de sa santé, la satisfaction par rapport à sa vie grâce à l’échelle de Cantril et deux questions par rapport aux relations avec les parents : « à quel point est-il facile pour toi de parler des choses qui te préoccupent avec ton père / avec ta mère ? »

Michal Molcho montre que globalement les filles font état d’une moins bonne santé que les garçons. Cet écart est particulièrement net en Europe de l’Est, en Irlande et en Ecosse. Pour les garçons, les tendances en termes géographiques sont similaires, mais ils font état globalement d’un meilleur niveau de santé. On retrouve des différences similaires entre les filles et les garçons concernant la satisfaction de sa vie : les filles sont moins satisfaites de leur vie que les garçons, et ce, quel que soit l’âge. Enfin, en grandissant, les filles comme les garçons rapportent une moins bonne santé et une moindre satisfaction de leur vie.

Michal Molcho indique un certain nombre de prédicteurs du bien-être :

  • Le statut socio-économique : Michal Molcho donne l’exemple des enfants issus de familles monoparentales qui rapportent un moindre niveau de bien-être. Contrairement au fréquent constat qui attribue ce moindre niveau de bien-être à la structure familiale ou au seul divorce, Michal Molcho le rapporte plutôt au statut socio-économique et à la précarité du ménage suite à une séparation.
  • La communication avec les parents est un sujet important : plus la relation avec les parents est positive, meilleurs seront la santé et le bien-être de l’enfant.
  • L’environnement scolaire est également un domaine qui contribue grandement au bien-être de l’enfant : plus il sera positif, plus l’enfant se sentira bien.
  • Enfin, elle mentionne une série de comportements tous reliés au bien-être de l’enfant. Par exemple, il a été démontré que les enfants qui font régulièrement de l’exercice auront tendance à rapporter une meilleure santé et une meilleure satisfaction de leur vie. Michal Molcho s’arrête également sur la question des réseaux sociaux : nous savons qu’un excès de ces supports médias comporte un risque, mais nous devons d’abord comprendre ce que signifie l’excès ; à partir de quand est-on trop exposé ? La prochaine vague 2018 de l’enquête HBSC apportera plus de réponses à ce sujet.

Pour conclure, nous savons que les enfants aspirent à plus de liberté pour se sentir plus heureux. Michal Molcho rappelle que nous savons ce qu’il faut faire, et que la vraie question qui se pose est plutôt celle de : comment protéger les enfants (du harcèlement, des comportements à risques…) et comment leur donner les capacités de se protéger, tout en leur laissant davantage de liberté ?

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Cette intervention a donné lieu à la publication d’un article dans le numéro spécial de la Revue des Politiques Sociales et Familiales consacré au bien-être des enfants disponible ici.

Olivier Thévenon (OCDE, France) : Renforcer le bien-être des enfants pour promouvoir la croissance inclusive. L’approche de l’OCDE sur le bien-être des enfants

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Olivier Thévenon, économiste à l’OCDE présente les résultats de recherches réalisées à partir du portail sur le bien-être des enfants. Ce portail, créé en 2017, regroupe les données de plusieurs enquêtes : HBSC, PISA, EU-SILC ou encore l’Enquête Budget Temps Européenne Harmonisée.

Ce portail  est né de plusieurs constats. Premièrement, le fait que le taux de pauvreté des enfants est plus important que celui de la population générale, sachant que ce taux augmente encore dans la majorité des pays de l’OCDE. De plus, la mobilité sociale (l’ascenseur social) entre les générations est faible et continue de baisser. La pauvreté lors de l’enfance a des impacts au-delà de cette période dans de nombreux secteurs. Avoir des parents pauvres et en mauvaise santé compromet aussi la santé du futur adulte. Si les personnes dont les parents avaient de faibles revenus gagnent en majorité mieux leur vie que leurs parents, la progression est très faible. On retrouve également cela dans le domaine scolaire où les enfants de familles moins diplômées ont beaucoup moins de chance d’étudier à l’université que les enfants des parents diplômés.

 

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Ce portail permet d’étudier la pauvreté des enfants dans les pays de l’OCDE et de comprendre les mécanismes en jeu en termes de transmission des désavantages économiques et/ou sociaux des parents aux enfants. En regroupant les données disponibles de différentes enquêtes internationales, il permet de produire des indicateurs et d’étudier les interactions entre les différents domaines de la question pour mieux orienter les politiques publiques.

Olivier Thévenon présente les principales catégories d’indicateurs du portail sur le bien-être de l’enfant :

  • Ceux liés à l’environnement familial et résidentiel : le statut socio-économique des parents, la couverture des besoins matériels élémentaires, la qualité des relations entre les enfants et les parents, les conditions d’habitat et la qualité de l’environnement et du voisinage dans lequel évolue l’enfant ;
  • Ceux liés à la santé et à la sécurité : indicateurs sur la bonne santé de l’enfant, les habitudes et hygiène de vie des adolescents, ainsi que les conduites à risque.
  • Ceux liés à l’éducation et à la vie scolaire : accès au service de garde et de prise en charge des enfants, les ressources éducatives et les comportements à la maison, les attitudes et attentes face au monde scolaire, la qualité de vie à l’école et les performances éducatives.
  • Ceux liés aux activités et à la satisfaction dans la vie : comme la participation aux activités sociales et de loisirs, les activités de l’adolescent à l’extérieur de l’école et la perception des adolescents de leur propre bien-être
  • Ainsi que les indicateurs autour des politiques publiques sur l’enfance : comme les dépenses publiques des politiques familiales, les services, transferts monétaires et bénéfices en nature pour les familles, et le congé parental.

Sur la question de la satisfaction dans la vie, Olivier Thévenon souligne les différences importantes selon le sexe et ce dans tous les pays : les filles déclarent un moindre bien-être que les garçons. On retrouve également la même tendance de différenciation sur le statut socio-économique des parents : les enfants des familles moins favorisées déclarent une satisfaction dans la vie bien moindre que les enfants des familles plus aisées.

 

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Cependant, la pauvreté matérielle n’est pas liée uniquement au revenu des parents : une certaine part des enfants vivant dans des familles qui ne sont pas pauvres du point de vue strictement du revenu des parents, peuvent vivre dans une pauvreté matérielle sur les questions des conditions d’habitat, d’habillement, de nutrition, de matériel scolaire, d’opportunités de loisirs ou de qualité de l’environnement. Olivier Thévenon rappelle également que la plupart des enfants en situation de pauvreté vivent des privations multiples.

Enfin, l’objectif du portail est également de définir de nouveaux enjeux pour les politiques publiques afin de répondre aux transformations et évolutions de la structure familiale (famille monoparentale, recomposée, accroissement des naissances hors-mariage…). Cette diversification pose la question de l’accès aux droits alors que la plupart des pays ne reconnaissent pas les couples en concubinage. Ces derniers ont dans les faits généralement moins accès à leurs droits que les couples mariés. Il s’agit donc pour les Etats d’envisager d’adapter leur protection sociale pour répondre à ces nouvelles évolutions  et de continuer de garantir l’accès aux droits.

Laura Bernardi (Université de Lausanne, Suisse) : La garde partagée des enfants et les inégalités sociales

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La présentation de Laura Bernardi, démographe, professeur à l’université de Lausanne et au sein de l’équipe LIVES, est consacrée à l’impact de la garde partagée sur les inégalités sociales. Elle a préparé cette intervention avec Anna Garriga, sociologue à l’université de Valladolid.

Laura Bernardi propose tout d’abord une revue des questions issues de la littérature scientifique existante sur la garde partagée et ses effets, un phénomène de plus en plus fréquent dans les pays occidentaux. La garde partagée est souvent considérée comme bénéfique pour les enfants de parents divorcés, voire en capacité de contrebalancer les effets négatifs du divorce.

On constate que les enfants ne sont pas touchés dans la même proportion par les questions de divorce selon le statut socio-économique des parents. En effet, dans la plupart des pays, les parents les plus diplômés ont des vies familiales et maritales plus stables que les parents des milieux les plus désavantagés. Et quand ils se séparent, les parents de milieux plus aisés ont aussi plus souvent recours à  la garde partagée, modalité qui nécessite un relativement bon niveau de communication et de surcroît des moyens matériels.

De ce fait, une polarisation des trajectoires des enfants se dessine ainsi que de leur bien-être dans la mesure où les enfants des milieux les moins favorisés connaissent des situations plus complexes et plus instables. Laura Bernardi montre que la question qui se pose alors est celle de l’impact de la garde partagée sur l’accroissement des inégalités entre les enfants : si celle-ci est uniformément utilisée entre les différentes classes sociales, alors l’effet bénéfique de la garde partagée pourrait réduire les inégalités. En revanche, si la garde partagée est présente de manière inégale au sein de la société, alors celle-ci pourrait accroître les inégalités sociales.

Laura Bernardi et Anna Garriga ont étudié le cas de l’Espagne et mobilisé pour leur analyse les données de 2006 et 2014 de l’enquête HBSC, qui traite des conditions de vie et de bien-être des adolescents. Elle prend en compte trois éléments : la structure familiale (ménages bi-parentaux, couples séparés avec garde partagée ou ménages monoparentaux), le niveau socio-économique de la famille (le niveau de diplôme mais également l’emploi de la mère et du père) et enfin les indicateurs de bien-être ou les plaintes en matière de santé, de perception de sa propre santé des adolescents (comprenant condition physique, qualité de vie et satisfaction dans la vie).

 

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Les résultats montrent que les adolescents dont les parents ont un niveau socioéconomique plus élevé ont plus de chance de vivre ensemble avec leurs deux parents. Au contraire, moins les parents sont aisés, plus il y a de chance d’être en situation monoparentale. Par ailleurs un adolescent grandissant dans une situation de garde partagée ou vivant dans un ménage monoparental a plus de probabilité d’avoir une moins bonne satisfaction dans la vie et de faire état d’affections somatiques et psychologiques que ceux qui vivent avec leurs deux parents. En revanche, si les parents en garde partagée ont un bon niveau socio-économique, ceci peut en partie compenser les effets négatifs du mode de garde. En somme, les adolescents provenant de milieu moins favorisé bénéficient beaucoup moins que les adolescents des milieux les plus favorisés de la solution de garde partagée par rapport aux situations de monoparentalité. Ceci contribue à renforcer encore les inégalités.

Laura Bernardi conclut dans sa présentation que pour que les inégalités des enfants face au divorce diminuent, les conséquences de la séparation et du divorce ne doivent pas peser sur les ressources des parents et que le bénéfice de la garde partagée devrait être le même pour tous les enfants de différents niveaux socio-économiques.

 

Cette intervention a donné lieu à la publication d’un article dans le numéro spécial de la Revue des Politiques Sociales et Familiales consacré au bien-être des enfants disponible ici.

Ingrid Schoon (University College London) : Profils développementaux des cooccurrences des troubles d’internalisation et d’externalisation des enfants de 3 à 11 ans dans un échantillon général de la population du Royaume-Uni

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Ingrid Schoon est professeure en développement humain et politique sociale à l’Institut de l’Education, au University College London. Sa présentation porte sur une étude des troubles d’internalisation (dépression, anxiété…) et d’externalisation (problèmes de conduite, agressivité, hyperactivité, impulsivité… ) dans le développement de l’enfant de 3 à 11 ans à partir de l’enquête de cohorte Millenium au Royaume-Uni.

L’intérêt pour l’analyse des typologies des difficultés émotionnelles et comportementales a beaucoup augmenté au cours de ces dernières années . Cependant, ces études traitent généralement de façon séparée les troubles d’internalisation et d’externalisation. Pourtant, certains éléments suggèrent une catégorie mixte des troubles d’internalisation et d’externalisation. Ingrid Schoon propose donc d’étudier le développement de ces troubles de manière conjointe en allant au-delà des frontières traditionnelles de diagnostic de ce type de troubles comportementaux, en tenant compte de la comorbidité. La comorbidité désigne en médecine les troubles ou maladies associés à une maladie primaire. Elle cherche à savoir si cette comorbidité est homotypique – c’est-à-dire si les troubles font tous partie d’un même groupe de diagnostic (tel que la dépression et l’anxiété) – ou hétérotopique : c’est-à-dire si les troubles présents proviennent de différents groupes de diagnostic (tel que l’hyperactivité et la dépression).

Ingrid Schoon fait l’hypothèse de 4 modèles possibles :

  • Un modèle de continuité : dans lequel les troubles vont se manifester dans les premières années de l’enfant et garder une certaine stabilité. La comorbidité est élevée dès les premières années et continue dans le temps.
  • Un modèle de maturité : dans lequel les troubles développés dans l’enfance vont disparaitre à mesure que l’enfant grandit. La comorbidité est élevée dès les premières années puis diminue.
  • Un modèle d’accumulation des symptômes : dans lequel un trouble va augmenter le risque de développement d’un autre trouble. A côté d’un niveau élevé de troubles d’externalisation vont se développer des troubles d’internalisation.
  • Un modèle de différenciation : dans lequel des symptômes indifférenciés vont se différencier en symptômes spécifiques. Des troubles d’internalisation et d’externalisation sont présents au début puis vont se différencier en symptômes spécifiques.

 

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En étudiant les données de l’enquête Millenium au Royaume-Uni, elle obtient  les résultats suivants :

  • Une majorité d’enfants (67%) ont un profil présentant des symptômes de basse intensité et continus (groupe normatif)
  • Un dixième se trouve dans le modèle de maturité
  • Un petit groupe se trouve dans le modèle de continuité
  • Un tiers se trouve dans le modèle d’accumulation avec des symptômes d’externalisation qui peuvent entrainer d’autres troubles
  • En revanche aucun ne se trouve dans le modèle de différenciation

Elle conclut donc que la comorbidité est plus homotypique – avec des troubles issus d’une même catégorie de diagnostic –  qu’hétérotopique.

Par ailleurs, elle s’intéresse également aux facteurs de présence de ces troubles. Parmi les facteurs explicatifs des troubles d’internalisation ou d’externalisation chez l’enfant, les ressources socio-économiques sont des facteurs de risques (en particulier le niveau d’éducation des parents, le statut résidentiel et la propriété immobilière, ainsi que la dépression maternelle et la perception de conflits entre les enfants et les parents). Au contraire, avoir des frères et sœurs plus âgés, une relation parent-enfant chaleureuse, de la régularité dans la vie quotidienne et des bonnes capacités cognitives ont des effets potentiellement bénéfiques sur les troubles d’internationalisation et d’externalisation.

 

Cette intervention a donné lieu à la publication d’un article dans le numéro spécial de la Revue des Politiques Sociales et Familiales consacré au bien-être des enfants disponible ici.

Lidia Panico (INED) : Mesurer les privations multidimensionnelles dans l’enfance et ses transformations lors de séparations parentales: l’approche Lifecourse »

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Lidia Panico est chercheuse à l’INED et travaille sur les facteurs sociodémographiques influençant le développement de l’enfant et sur l’évolution des structures familiales. La pauvreté financière des enfants après la séparation de leurs parents a été bien documentée par la littérature scientifique sur le sujet. Cependant, s’appuyer uniquement sur les revenus du foyer pour évaluer cette précarité ne permet pas de couvrir ses multiples dimensions. Il peut y avoir d’importantes différences selon la situation financière de la famille (si elle a de l’épargne ou des dettes, si elle bénéficie d’un soutien familial important ou pas…) et selon les priorités données par les parents en termes de dépenses.

Lidia Panico s’intéresse donc ici aux impacts sur les conditions de vie de l’enfant et aux privations multidimensionnelles apparaissant après la séparation de ses parents. Elle étudie en particulier les privations en termes de conditions matérielles, de loisirs, d’attention parentale et de possession de biens matériels essentiels.

Son étude porte sur les données de l’enquête Millenium, cohorte  de 19,000 enfants, lancée au Royaume-Uni après les années 2000 et qui porte sur les dix premières années de l’enfant.  Elle adapte les méthodes de mesures de la pauvreté chez les adultes au cas de l’enfant, en développant des indicateurs spécifiques par âge et centrés sur l’enfant, pour permettre une étude longitudinale et de mesurer l’impact du choc de la séparation sur les conditions de vie de l’enfant. 

 

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Alors que le divorce a de fortes conséquences en termes de perte de revenus, l’impact au niveau des privations pour l’enfant est plus varié. Face aux contraintes financières, les parents vont plus facilement limiter les activités coûteuses en loisirs, comme les vacances ou les sorties. En revanche, le niveau des biens matériels de base, ainsi que le temps passé et l’investissement personnel du père ou de la mère à s’occuper de son enfant (par exemple lire une histoire le soir, l’aider à faire ses devoirs …) reste inchangé, voire même augmente par compensation. 

Cependant, il y a aussi une hétérogénéité dans l’impact du divorce sur la précarité de l’enfant en fonction de différents facteurs. Les mères avec un niveau d’étude plus élevé vont être moins impactées par le divorce. Les mères plus âgées ont en revanche plus de difficultés à passer le choc économique du divorce. Dans les facteurs de rétablissement économique du ménage, le remariage reste encore le premier facteur pour les femmes divorcées pour retrouver leur niveau de vie. Les femmes plus jeunes retrouvent généralement un conjoint plus facilement et ce conjoint a plus de chance d’être dans une situation d’emploi. Les ménages non-pauvres sont très impactés financièrement par le divorce, mais sont moins impactés en terme de privations (présence de patrimoine ou d’épargne par exemple).

On retrouve également des différences selon l’âge de l’enfant au moment de la séparation. Si l’enfant est jeune, l’impact du divorce sur les revenus de ses parents ainsi qu’en privation matérielle sera fort ; en revanche, si l’enfant est plus âgé, l’investissement parental sera davantage impacté par la séparation.

A travers cette étude longitudinale, Lidia Panico montre que les effets du divorce ou de la séparation ont un impact financier de court terme sur les conditions de vie de l’enfant. En revanche, ce sont surtout les dépenses en termes de loisirs qui sont les plus impactées et qui mettent le plus de temps à revenir à leur niveau original.

 

Cette intervention a donné lieu à la publication d’un article dans le numéro spécial de la Revue des Politiques Sociales et Familiales consacré au bien-être des enfants disponible ici.

Séminaire 3 : Cultures de parentalité, déterminisme parental et bien-être des enfants (29-30 Novembre 2018)

Le troisième séminaire de la Chaire « Enfance, bien-être et parentalité » s’est tenu les 29 et 30 Novembre 2018 à Rennes. Cette troisième séance été consacrée aux cultures de parentalité, au déterminisme parental et au bien-être des enfants.

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Asa Lundqvist (U. de Lund) et  Ilona Ostner (U. de Goettingen):Les politiques des ‘nouveaux risques sociaux’ dans les familles allemandes et suédoises

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Asa Lundqvist et Ilona Ostner, respectivement sociologues et professeures à l’Université de Lund (Suède) et à l’Université de Goettingen (Allemagne), sont des spécialistes de la comparaison des politiques sociales et familiales en Europe. Dans leur intervention, elles proposent de partir des cas de leurs deux pays, dont les politiques familiales sont historiquement contrastées pour analyser le développement des orientations et dispositifs de soutien à la parentalité.

Dans les comparaisons, l’Allemagne correspond à un modèle « familialiste », qui a longtemps privilégié le « cash for care » plutôt que les services aux familles et aux couples mariés. La Suède, en revanche, développe une politique « non familialiste », qui privilégie les enjeux d’égalité entre les sexes, les interventions individualisées et une offre importante de services publics de soutien aux familles.

Depuis les années 2000, l’Allemagne s’est engagée dans d’importantes réformes en instaurant des congés parentaux, sur le modèle suédois (avec un taux de remplacement du revenu), et en développant des services d’accueil publics à temps plein. Sur la même période, la Suède a renforcé son système de soutien aux parents, en privilégiant des mesures de prévention des problèmes de santé chez les jeunes. Dans ces deux pays, dont les systèmes de protection sociale sont anciens et bien contrastés, mais confrontés à des enjeux communs (hausse du chômage et de la pauvreté ; vieillissement de la population ; baisse de la fécondité, nombre croissant de familles et de jeunes immigrés), on assiste à l’émergence d’une politique dite « d’investissement social centré sur l’enfance », et de régulation de « nouveaux risques sociaux ».

Asa Lundqvist et Ilona Ostner estiment que ces nouvelles formes de services de protection sociale correspondent à des stratégies visant à réinstitutionnaliser la parentalité à travers la mise en place de nombreux services. En Allemagne, ces nouvelles politiques de régulation de « nouveaux risques sociaux », se concentrent sur l’amélioration des compétences parentales, en portant une attention particulière aux femmes enceintes, aux enfants de moins de 3 ans et aux familles migrantes à travers le développement de mesures de prévention, de surveillance et d’évaluation dans les crèches et les écoles et de mesures visant à améliorer la coopération et la coordination entre les prestataires. La Suède, pour sa part, attache une attention particulière aux problèmes de santé chez les jeunes et les enfants dans leurs dispositifs de soutien à la parentalité. Le gouvernement suédois souhaite que le concept de famille soit remis au centre de ces nouvelles politiques, en insistant sur le rôle primordial des parents concernant la santé des enfants, et en réintroduisant une forme de neutralisation du genre « gender blind » dans les débats sur les politiques familiales, autour du congé parental, notamment. Depuis 2015, les politiques en Suède privilégient les familles immigrées et les jeunes migrants, en leur proposant des services de soutien à la parentalité.

En Allemagne, on observe donc un renforcement du rôle de l’Etat en tant qu’« investisseur social », tandis que la Suède renforce ses politiques de soutien à la parentalité, qui existaient déjà depuis longtemps. En ciblant des enfants perçus comme « à risques », et notamment les enfants et les jeunes migrants, ces deux pays semblent proposer des politiques sociales et des services sociaux inclusifs. Mais Asa Lundqvist et Ilona Ostner alertent sur le fait que ces évolutions correspondant surtout à une dualisation, c’est-à-dire un clivage entre les politiques de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle qui sont surtout destinées aux populations aisées et des services de soutien à la parentalité en fait réservés aux plus pauvres, aux chômeurs et aux personnes vulnérables.

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Ella Sihvonen (KELA, Finlande): De la politique familiale au soutien à la parentalité: l’anxiété sur la parentalité dans les projets de soutien aux familles en Finlande

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Ella Sihvonen est docteure en sociologie. Elle a soutenu sa thèse sur le sujet de “De la politique familiale à la politique de soutien à la parentalité. Analyse sociologique des projets d’aide à la parentalité en Finlande”. Elle travaille à l’Institut de la Sécurité Sociale de Finlande (KELA) à Helsinki. Ses principaux champs de recherche portent sur la sociologie de la famille, les pratiques de parentalité et les politiques sociales.

Elle présente dans son intervention des résultats extraits de sa thèse. Elle y défend que depuis les années 1990, la notion de mal-être des enfants et des jeunes est devenue de plus en plus populaire dans les médias finlandais, portant la faute sur les parents et leurs pratiques parentales. Elle identifie un tournant dans le débat public à la fin des années 1990 qui met en avant la question de la famille. A cette période, la Finlande, connaissait une profonde récession économique et a changé ses politiques nationales vers des solutions plus orientés vers le marché. Depuis, un nombre croissant de discussions se sont développées sur le mal-être des enfants et des jeunes mais aussi une anxiété sur la parentalité. Ce changement de paradigme a été identifié dans d’autres pays européens également avec l’augmentation de programmes de soutien à la parentalité.

Ella Sihvonen examine ces différentes questions: qu’est-ce qui se cache derrière la notion de parentalité dans les projets de soutien à la parentalité en Finlande? Comment est menée la responsabilisation des parents? Quel est le rôle donné aux experts et à la communauté dans les projets de soutien à la parentalité? Quel type d’aptitudes, de compétences et de capabilités sont demandées aux parents?

Empiriquement, Ella Sihvonen utilise la documentation des 310 projets de soutien à la parentalité pour faire une analyse qualitative. Ces projets ont eu lieu pendant les années 2000 et 2010 dans des organismes publics et en particulier dans les départements des affaires sociales ou de l’éducation des municipalités (par exemple avec des documents de demande de fonds, des rapports intermédiaires ou finaux de projets de soutien à la parentalité).

L’analyse qualitative de cette documentation révèle deux types d’approches dans les projets de soutien à la parentalité;

  • Une approche de soutien à la parentalité individualisée qui vise à renforcer les relations parents-enfants
  • Une approche de soutien à la parentalité communautaire qui vise à renforcer un sens d’appartenance à la communauté

Ella Sihvonen souligne aussi que dans les projets impliquant l’éducation de leurs enfants, les parents sont souvent présentés comme irresponsables, incapables de partager des valeurs communes. Les projets mettent en avant l’émancipation des parents par l’aide des experts en éducation pour les aider à trouver leurs propres capacités et expertise intérieure en matière de parentalité. Cet aspect est particulièrement saillant dans des projets d’intervention précoce où les experts aident les parents à trouver leurs propres ressources intérieures et à renforcer la relation parent-enfant. Ces approches sont présentes dans les projets de soutien à la parentalité individualisé.

Cependant, certains projets sont également plus proches d’une approche basée sur la communauté et dans les projets préventifs de soutien à la parentalité. Dans cette perspective, le soutien est basé plus sur des relations entre les parents avec l’objectif de renforcer la parentalité et de favoriser une expertise horizontale de la parentalité.

Ces deux approches ont en commun l’idée que le problème vient d’un manque de valeurs partagées entre les parents. Dans le contexte finlandais, l’enjeu principal n’est pas seulement l’expertise professionnelle mais aussi l’expertise parentale, qui est valorisé par leurs propres compétences intérieures ainsi que l’expertise partagée par les parents au sein de la communauté. Ella Sihvonen conclut que l’augmentation du nombre de discussion autour des responsabilités et compétences parentales sont été légitimées par le changement de paradigme récent dans les politiques de l’Etat finlandais.

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Mara Yerkes (U.d’Utrecht, Pays-Bas): Dans le meilleur intérêt de l’enfant? Le paradoxe de la parentalité intensive et de la santé des enfants

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Mara Yerkes est Professeur Associé au Département Interdisciplinaire des Sciences Sociales à l’Université d’Utrecht (Pays-Bas). Elle a récemment lancé un projet du Conseil de Recherche Européen (CAPABLE) sur les politiques d’équilibre entre vie professionnelle et familiale. Elle a présenté dans ce séminaire un travail collectif réalisé avec des collègues de son département de différentes disciplines : psychologie, sociologie, politiques sociales et santé publique. Leur recherche portait sur la relation entre les modèles de parentalité et la santé des enfants.

L’investissement parental est souvent présenté comme un élément clés de la santé des enfants et du bien-être. Plus les parents dépensent du temps et de l’énergie sur leurs enfants, plus leurs enfants seront en bonne santé. Mais pour Mara Yerkes, il y a ici un paradoxe de la santé sur la relation entre la santé des enfants et l’investissement parental. D’un côté, un investissement parental accru semble avoir des effets positifs sur la santé physique des enfants. Cependant, de l’autre côté, l’investissement parental perd son aspect positif du point de vue du bien-être de l’enfant quand celui-ci devient adolescent. A cet âge, un adolescent qui a reçu un haut niveau d’investissement parental montre aussi des niveaux plus élevés de problèmes d’internalisation et d’externalisation. De plus, la parentalité intensive peut créer du stress chez les parents et sur leurs responsabilités, qui peut par ricochet affecter l’enfant.

Pour analyser les relations entre la santé des enfants et le comportement des parents, Mara Yerkes utilise les données de l’Enquête des Cohortes Britanniques du Millenium et définit trois catégories d’intensivité parentale : la parentalité négligente, la parentalité intermédiaire et la parentalité intensive pour voir quelles sont les conséquences sur la santé auto-déclarée, la confiance en soi et le bien-être des enfants.

Ses résultats montrent que les enfants sous une parentalité intensive pendant leur enfance sont légèrement en meilleure santé pendant leur adolescence que les enfants de parents négligents. Cependant, les adolescents qui ont reçu un niveau élevé d’investissement parental pendant leur enfant ont une confiance en soi plus faible à l’adolescence. Au contraire, de manière plus surprenante, les adolescents qui étaient sous une parentalité négligente pendant leur enfance ont une meilleure confiance en soi quand ils grandissent que ceux qui ont reçu une parentalité intensive. Contrairement à la confiance en soi, le bien-être comme la santé sont aussi corrélé à une parentalité intensive. Les enfants qui étaient sous une parentalité négligente pendant leur enfance ont des moins bons niveaux de bien-être à l’adolescence.

Il est donc nécessaire de distinguer dans la santé, la santé physique d’une part et la santé part. Si un investissement parental intense semble avoir une conséquence positive sur la santé physique de l’enfant, ce résultat est plus ambigu pour la santé psychologique, dans laquelle le bien-être de l’enfant semble être corrélé positivement à un investissement parental intense mais pas pour la confiance en soi à l’adolescence.

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Barbara Da Roit (U. De Venise): Bien-être des enfants et parentalité: explorer le rôle des institutions

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Dans sa présentation, Barbara Da Roit, sociologue et professeure à l’Université de Venise (Italie), a cherché à mettre en lumière les liens entre les pratiques parentales, les politiques sociales et les institutions. L’Italie, comme de nombreux autres pays européens, fait face à un « parenting turn » ou un focus sur la parentalité, avec l’émergence de politiques familiales qui cherchent à instruire, éduquer les parents, dans le but que leurs enfants soient plus heureux, deviennent « meilleurs » ou éprouvent davantage de bien-être. Ces nouvelles politiques familiales font cependant l’objet de nombreuses critiques et beaucoup de tensions existent entre différentes positions. Barbara Da Roit propose d’interroger l’hypothèse du déterminisme parental en se demandant ce que pourrait être le moyen de l’éviter. Pourrait-il s’agir de valoriser la spontanéité dans la relation parentale ? Mais quels effets pourraient produire en retour cette spontanéité et comment la mettre en place ?

L’Italie a très peu développé de services d’accueil des enfants, d’infrastructures d’accueil et elle compte encore très peu de politiques de soutien à la parentalité. Mais ces politiques commencent à émerger avec plusieurs expérimentations, comme notamment le programme P.I.P.P.I (Programme d’Intervention Pour Prévenir l’Institutionnalisation). Le rôle de l’école est également en débat dans les médias en Italie : les parents expriment une forte attente à l’égard de l’école et des professeurs. Mais d’importantes controverses se développent autour de leurs rôles respectifs. Les professeurs estiment souvent que les parents sont la source des problèmes de leurs enfants (manque d’attention, non-reconnaissance de l’autorité, non-respect des règles). A l’inverse, les parents accusent l’école de ne pas être capable de rendre les enfants attentifs, et de ne pas savoir s’occuper d’eux individuellement.

Les pratiques parentales sont contraintes (par la culture, les institutions…) et elles interagissent avec d’autres pratiques qui se déploient à l’école, avec les amis, les voisins, l’environnement des enfants… Ces pratiques parentales ont un rôle important sur le bien-être de l’enfant et peuvent changer avec le temps (tout comme les institutions). Barbara Da Roit pose la question du rôle des institutions sociales et de la manière dont celles-ci interagissent avec les pratiques parentales. Pour l’étudier, Barbara part d’un cas très concret qui est le sommeil des enfants : comment celui-ci est-il géré ? À quelle heure couche-t-on et réveille-t-on les enfants ? Qu’en est-il de la qualité et de la quantité de sommeil ? Dorment-ils suffisamment ? Dorment-ils seuls ou non ? Quels sont les rituels à l’heure du coucher ? Le sommeil est une donnée intéressante, tout comme les repas ou encore les réunions familiales, car il s’agit d’une dimension relativement simple à étudier dans les familles. Dans la littérature, beaucoup de travaux portent sur les habitudes de sommeil en lien avec le bien-être des enfants et leur santé (également autour de la question des écrans à l’heure du coucher). Ainsi, en fonction du fait qu’il existe ou non des règles pour l’heure du coucher et des routines de sommeil, les pratiques parentales peuvent influencer la quantité et la qualité du sommeil des enfants.

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Des différences existent entre les pays sur la gestion du sommeil des enfants. Barbara étudie le cas de l’Italie à partir de la production normative développée dans des blogs sur cette question. Dans ce pays, de nombreuses discussions portent sur le fait que les enfants italiens dorment moins que leurs homologues européens. Des travaux montrent également que les enfants italiens sont (culturellement et traditionnellement) plus impliqués dans les activités sociales de leurs parents. On peut dès lors se demander pourquoi, interroger les pratiques parentales en matière de sommeil mais aussi le rôle de certaines institutions.

Entre 1950 et 1970, existait une petite institution en la matière avec la routine télévisée du « Carosello » qui marquait le moment pour envoyer les enfants au lit. A cette époque de pleine croissance économique, ce programme télé de divertissement d’une durée de 10 minutes, remportait un franc succès. Entre 1957 et 1973, le programme était diffusé à 20h50 et entre 1973 et 1977, à l’époque des politiques d’austérité, ce programme a été décalé à 20h30. C’était une source externe de régulation. Il n’y avait alors pas besoin d’imposer l’heure du coucher aux enfants, puisque ce programme se présentait comme un rituel de coucher national avec cette devise à la fin : « et après Carosello, tout le monde au lit ! ». Que s’est-il passé quand Carosello s’est arrêté ? Les enfants ont commencé à aller au lit plus tard et les parents ont perdu ce repère d’heure du coucher. De nombreux forums ont émergés depuis sur lesquels les parents recherchent des conseils sur le coucher et le sommeil de leurs enfants. On y trouve des informations quantitatives et normatives sur le « bon » nombre d’heures de sommeil à garantir à ses enfants, la « bonne » heure de coucher, sur les techniques pour aider son enfant à dormir. Le sommeil est considéré comme un problème, dans la mesure où en Italie, est régulièrement répété que les enfants ne dorment pas assez et ont un sommeil de mauvaise qualité. Ceci provoque beaucoup de stress chez les parents, qui l’expriment dans ces forums. Les pratiques parentales à ce sujet varient selon les positions sociales, mais aussi selon que certaines institutions contribuent ou non à fixer des normes susceptibles de guider les parents. Grâce à cet exemple, Barbara da Roit discute la question des sources de la production normative et le rôle respectif joué par les experts, les institutions sociales et les parents eux-mêmes.

Ellie Lee (U. du Kent) et Jan Macvarish (U. du Kent): Déterminisme parental et bien-être de l’enfant

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Ellie Lee est enseignante-chercheuse sur la famille et la parentalité et est directrice du Centre des Etudes des Cultures de Parentalité à l’université du Kent. Ses recherches sont au croisement de la santé publique et des politiques sociales, avec un focus particulier sur la construction des problèmes sociaux. Par cette approche, elle a étudié les politiques d’allaitement et d’avortement, ainsi que le traitement social des problèmes et risques liés à la consommation d’alcool et de tabac chez les mères. Jan Macvarish est sociologue et chercheuse associée au Centre des Etudes des Cultures de Parentalité. Sa recherche porte sur l’étude des relations interpersonnelles, la parentalité, la vie de famille, la santé, le genre et l’intimité. Elle a publié des recherches sur le célibat, les grossesses précoces et la parentalité, la régulation des traitements de fertilité et l’avortement et l’utilisation et surutilisation des neurosciences.

Ellie Lee et Jan Macvarish font ici une analyse critique des politiques de parentalité contemporaines en dénonçant les idées de déterminisme parental qui s’y cache. Le déterminisme parental est l’affirmation que ce que font les parents impacte le développement de leurs enfants plus que toute autre chose. Les préoccupations autour des enfants se sont progressivement décentrées de la forme de la famille qui était basée sur le mariage hétérosexuel pour porter leur attention sur les compétences des parents en tant qu’individus prenant soin des enfants. La parentalité a été utilisée pour expliquer beaucoup de problèmes des enfants puis des adultes tels que: les troubles alimentaires, l’étape des deux ans, l’anxiété des étudiants, l’échec scolaire, la dépression, les QI bas, les comportements violents, les dommages psychologiques … . Pour Ellie Lee et Jan Macvarish, cela a eu une influence majeure sur les relations entre les enfants et leurs parents.

Dans leur présentation, elles prennent deux exemples pour illustrer cette idée dans les questionnements actuels sur la parentalité:

Le premier est sur la question des Expériences Négatives pendant l’Enfance (ACE – Adverse Childhood Experiences) qui sont définies comme des évènements négatifs, stressants ou traumatiques ayant lieu dans l’enfance. Cependant, cette définition est en réalité assez large puisqu’elle n’inclut pas seulement les mauvais traitements et violences domestiques sur les enfants, mais aussi les séparations parentales, ce qui augmente considérablement le nombre de personnes incluent dans les individus présentant des ACE. De plus, il est considéré que chaque personne ayant des ACE aura nécessairement des effets de long-terme impactant sa vie d’adulte. Les ACE devraient alors être rétrospectivement identifiées chez les adultes, où elles sont corrélées dans des problèmes de santé physique et mentale, et identifier de manière prospective chez les enfants. Pour Ellie Lee et Jan Macvarish, il y a là l’expression des peurs traditionnelles d’un désordre social chez les classes populaires, réinterprétées en termes thérapeutiques.

L’autre cas utilisé en exemple est celui de la “parentalité-hélicoptère”. Ce terme est originaire des Etats-Unis où ce sujet a créé de nombreuses discussions dans les médias. Il désigne une surprotection des parents qui menacerait le bien-être et la santé mentale de leur enfant. Pour Ellie Lee et Jan Macvarish, cette discussion contemporaine des conséquences néfastes des peurs parentales sur le bien-être de l’enfant est en elle-même une forme de pensée déterminisme et qui faillit à prendre en compte les raisons pour lesquelles les parents sont devenus si soucieux de ces multiples risques.

Pour Ellie Lee et Jan Macvarish, ces deux cas opposés avec de la négligence dans les ACEs et de la surprotection dans la parentalité-hélicoptère sont similaires dans leur croyance au déterminisme parental et sont nourris par la culture thérapeutique qui renforce l’image des émotions parentales comme un risque pour le bien-être de l’enfant. La compétence parentale est construite comme un facteur de risque pour le bien-être de l’enfant, qui devrait être contrôlée par des professionnels. Ces idées poussent alors les parents à craindre leurs propres émotions et leurs effets et qui diminuent leur confiance et leur autorité.

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Ashley Frawley (U. de Swansea): Soutenir le voyage sacré: Le bien-être et la problématisation de la parentalité dans les communautés des Premières Nations au Canada

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Ashley Frawley, sociologue à l’université de Swansea, explore les fonctions et les effets de la rhétorique de émotions dans la construction des problèmes sociaux. Elle utilise comme cas d’étude les discours sur la parentalité adressés aux populations autochtones au Canada.

En s’appuyant sur le manuel “Préconception de la parentalité chez les familles autochtones en Ontario” (Best Start Resource Centre, 2012) et sur quatre rapports sur le bien-être chez les populations indigènes à travers le prisme de la parentalité (Centre National de Collaboration pour la Santé aborigène : 2013, 2013, 2013 et 2015), l’auteur montre qu’il y a eu un changement de discours. Là où il y avait une compréhension négativement connotée des problèmes sociaux résultant d’un “traumatisme intergénérationnel” chez les populations indigènes à cause des injustices du passé, il semble y avoir aujourd’hui une attention plus grande et positive se focalisant sur le “bien-être émotionnel”. Alors que les discours sur les traumatismes restent dans le “sens commun” dans la mesure où ils expliquent les importantes disparités socio-économiques, l’essor des approches “basées sur les forces” n’agit pas pour célébrer des caractéristiques positives des populations indigènes mais plutôt pour enraciner encore plus la problématisation de la santé mentale et la tendance connexe de voir les parents aborigènes (en réalité essentiellement les mères) comme des suspects et pour finalement les tenir responsable pour les problèmes sociaux contemporains.

Plus précisément, Ashley Frawley souligne ici une longue histoire d’une construction de la subjectivité aborigène comme présentant de manière inhérente des risques pour la prochaine génération et en particulier une longue histoire de la construction de l’image de mères influençant de manière négative le développement de leurs enfants. La construction coloniale de l’image de la mère indigène comme hyper-émotionnelle, hypersexuelle et incapable de contrôler son appétit ont influencé les politiques de retrait d’enfants indigènes à leurs parents tout au long du 20ème siècle et qui font écho aujourd’hui à l’emphase portant sur l’obésité infantile et les grossesses des adolescentes dans les manuels de promotion de la santé. Les tendances aux retraits d’enfants qui en résultent sont aussi sensiblement similaire. Là où 7% des enfants canadiens sont placés, les enfants indigènes représentent 52% des enfant placés en instituts ou en famille d’accueil. Cette surveillance accrue et ces interventions sont particulièrement significatrices dans le contexte des demandes de longue-date des populations indigènes pour l’auto-détermination et d’une méfiance non infondée dans les agences de l’Etat.

Finalement, l’auteur souligne que dans ce contexte, à la fois la “glocalisation” des discours thérapeutiques qui sont l’adaptation locale des normes internationales de bien-être et le développement d’une autorité “bienveillante” agit comme un cheval de Troie vers plus d’intervention et de suivi de la vie familiale. A travers la traduction culturelle de la problématisation des émotions, ces approches prédominantes “top-down” et extérieures incarnent des thématiques courantes dans la culture de la parentalité dans le monde anglosaxon et sont présentées comme des demandes émanant des populations indigènes. A travers cela, ces approches ne contribuent pas seulement à la production et à la reproduction des inégalités sociales dans l’enfance, mais renforcent également les perceptions négatives des parents indigènes au Canada, présentés comme mauvais ou non-qualifiés, et appuient les relations de dominations coloniales que cette perception implique.

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Séminaire 4: Le bien-être des enfants, l’école et la médiation parentale (26-27 Juin 2019)

Le dernier séminaire de la Chaire « Enfance, bien-être et parentalité » s’est tenu les 26 et 27 juin 2019 à Rennes. Cette quatrième séance était consacrée au bien-être des enfants à l’école et à la médiation parentale.

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Muriel Darmon (CNRS, France): Les attitudes des enfants envers l’école: une brève revue de littérature de la sociologie française

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Muriel Darmon propose une revue de la littérature sociologique française sur la question du bien-être des enfants à l’école. Plus précisément, elle retrace depuis les années 1970 la manière dont les sociologues ont abordé les (dé)goûts et les rapports des enfants à l’institution scolaire et à ses différent.e.s membres, à savoir les professeur.e.s et les animateur.e.s. A cette occasion, elle souligne un changement de perspective théorique et méthodologique : des questions « les enfants sont-ils heureux à l’école ? » et « aiment-ils l’école » (appréhendées à partir de sondages et d’enquêtes quantitatives), on est passé à une sociologie plus ethnographique des « attitudes enfantines envers l’école », répondant aux questions « comment les enfants – et leurs parents – perçoivent-ils l’institution scolaire ? » « Comment investissent-ils ces lieux de savoirs légitimes ? », en s’attachant à mettre en évidence l’existence de forte différenciations sociales en la matière.

Dans un premier temps, l’auteure revient sur les théories bourdieusienne et lahirienne de la formation des dispositions scholastiques, puis apporte un éclairage sur la perspective de la « forme scolaire » développée par Guy Vincent. A partir de ces dernières, elle montre que les sociologues français ont très rapidement et depuis longtemps investi la question de la réussite scolaire et de la reproduction sociale en s’intéressant principalement à leurs conditions sociales de possibilité, et en soulignant le rôle primordial des capitaux scolaire et culturel. Malgré leurs différences, ces trois grandes approches de la sociologie de l’éducation mettent en évidence un rapport enfantin inégal aux connaissances légitimes et à la « forme scolaire », i.e. aux modes et aux règles (formelles et informelles) d’apprentissage des savoirs, savoir-faire et savoir-être au sein de l’école. Non seulement les filles et les garçons ne possèdent pas les mêmes chances de « s’acculturer » aux normes et au contenu scolaires en fonction de leur milieu social d’appartenance, mais cette nécessaire acculturation ne passe pas uniquement par l’intériorisation de la culture scolaire. Elle renvoie également à l’apprentissage du langage et à celui de la soumission à l’autorité institutionnelle. Les enfants doivent intégrer les bons savoirs, les savoirs scolaires, mais aussi la façon appropriée de parler de soi, de parler aux autres et aux adultes, qu’ils ou elles soient enseignant.e.s ou animateur.e.s.

Muriel Darmon poursuit son état de l’art en présentant les recherches actuelles sur les attitudes scolaires des enfants envers l’école, et décompose son propos en trois temps correspondant à trois étapes importantes du parcours scolaires : l’école maternelle, le collège et le lycée. Elle souligne que les inégalités scolaires liées à l’origine sociale se produisent et se reproduisent dès le plus jeune âge. A l’école maternelle, les enfants des classes populaires ne font déjà pas les mêmes expériences du monde scolaire que ceux des classes supérieures. Quand les uns découvrent la valeur de ce qu’ils produisent et de ce qu’ils sont (notamment par l’attention que leur portent les professeur.e.s), les autres se voient disqualifiés en raison d’une moindre intégration des normes et de la bienséance scolaires. Ce sentiment précoce de dévaluation – et ses conséquences en termes de mise à distance de l’univers scolaire – se retrouve au collège, puis au lycée, soulignant ainsi l’existence d’un important cumul des inégalités liées à la classe sociale tout au long de la trajectoire scolaire.

Elle conclut son exposé en mettant en évidence que presque tous les termes des questions initialement posées « les enfants sont-ils heureux à l’école ? » et « aiment-ils l’école ? » sont problématiques dans la mesure où il faudrait définir ce que l’on entend par « enfants » (de quel âge ? de quel genre ? de quelle origine sociale ou géographique ?), saisir ce que les chercheur.e.s et leurs (jeunes) enquêté.e.s comprennent par « aimer » ou « être heureux », et enfin préciser voire donner un contour plus stable au mot « école » (fait-on référence aux connaissances apprises au sein de l’institution ou aux manières d’être imposées par celle-ci ? Fait-on référence aux relations enfants/professeur.e.s ? aux relations parents/professeur.e.s ? Ou aux deux à la fois ?)

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Maia Cucchiara (Université de Temple, USA): Plus que des professeurs: construire des relations professeurs-étudiants pour améliorer les opportunités et le bien-être des jeunes

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Dans sa présentation, Maia Cucchiara s’intéresse aux relations entre élèves et professeur.e.s (REP) et à la façon dont ces dernières influencent (plus ou moins positivement) les résultats scolaires et le développement social et cognitif des filles et des garçons, ainsi que leur bien-être global. Plus précisément, l’auteure s’attache à retracer ce qui a été dit, dans la littérature anglo-saxonne, sur les REP, leurs conditions sociales de possibilité et leurs conséquences, en accordant une attention particulière aux structures (organisationnelles de l’école) et aux pratiques favorisant les relations positives entre enseignant.e.s et étudiant.e.s.
Après avoir défini et présenté les principaux concepts utilisés par les chercheur.e.s en sciences sociales travaillant sur les REP, et notamment ceux de « climat scolaire (positif) », de « confiance » et de « sentiment d’être (re)connu », la sociologue invite à se pencher plus précisément et plus empiriquement sur les relations enfants/professeur.e.s et souhaite à cette occasion souligner pourquoi celles-ci importent tant dans la vie ordinaire et scolaire des enfants.

Dans un premier temps, l’auteure met en avant le fait que la plupart des recherches étatsuniennes s’accordent sur l’existence d’une forte association entre les REP et la réussite académique des enfants. Les filles et les garçons qui pensent que leurs professeurs s’intéressent à eux, les considèrent et prennent soin d’eux travaillent mieux et ont de meilleurs résultats que celles et ceux qui ne le pensent pas. Certaines suggèrent même que les relations positives entre enfants/professeurs pourraient « médiatiser » l’association bien établie entre catégories/classes sociales et réussite académique. Le lien entre écoles « défavorisées » et faible réussite scolaire aurait tendance à s’estomper voire à disparaître quand on contrôle sur la qualité des REP et la confiance des élèves envers leurs enseignant.e.s. Les résultats apparaîtraient suffisamment forts pour que certain.e.s auteur.e.s concluent en la nécessité de construire et de maintenir la confiance enseignant.e.s/élèves dans les écoles afin d’y réduire les inégalités sociales.

Dans un second temps, la sociologue revient sur les variations sociales et raciales des rapports des enfants à l’institution scolaire et à leurs professeur.e.s. En se basant sur une large littérature en science de l’éducation, elle montre que la classe et la race jouent de manière importante sur la qualité des relations enseignant.e.s/élève, aussi bien que sur leurs conséquences en termes de bien-être et de réussite scolaires des filles et des garçons. Les difficultés auxquelles font face ces groupes d’enfants peut saper, ébranler, discréditer leur confiance en l’école et en leurs professeur.e.s, et ce faisant nuire à leurs (déjà faibles) chances de réussite scolaire en raison de leur « handicap culturel ». Elle conclut que la qualité des REP ne dépend pas uniquement des propriétés sociales des élèves et des enseignant.e.s, mais également de la composition sociale de l’école, de son climat et de son organisation, ainsi que des contextes sociaux et économiques plus larges.

Enfin, dans un dernier temps, Maia Cucchiara se penche sur les facteurs qui pourraient contribuer à favoriser des REP positives, et partant la réussite scolaire et le bien-être des garçons et des filles (les plus « vulnérables »). Elle en retient trois principaux : 1/ la formation des enseignant.e.s à la sociologie et à la prise en compte des contextes sociaux et familiaux dans lesquels es enfants vivent  ; 2/ la mise à disposition de spécialistes de la santé (mentale) des enfants ; et 3/ la baisse des effectifs des classes afin de rendre possible et plus facile l’instauration d’une confiance mutuelle.

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Edgar Cabanas (U. Camilo José Cela, Espagne): L’éducation positive et l’émergence de l’étudiant heureux

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Edgar Cabanas s’attarde à définir ce qu’est l’éducation positive et quelles sont ses limites. L’éducation positive se caractérise comme l’introduction de la psychologie positive qui a été introduite à l’école et qui est devenue aujourd’hui un champ en pleine émancipation. Cette dernière décennie, le bien-être des enfants et la reconnaissance de leurs ‘compétences positives’  sont devenus la préoccupation principale des parents, des professeurs et du personnel scolaire. Certains ont considéré cela comme une vraie révolution. D’autres ont vu ce tournant comme une nouvelle étape vers une éducation plus néolibérale. L’éducation positive postule que le bonheur n’est pas seulement un but à atteindre en soi, mais qu’elle permet de prévenir les maladies mentales et d’acquérir de meilleures compétences académiques. Tout cela est appuyé par le nombre croissant d’organisations, d’associations, d’écoles privées et de réseaux internationaux qui défendent l’éducation positive et demandent aux dirigeants politiques de la développer dans les systèmes éducatifs : en 2018, plus de 17 pays ont rejoint des initiatives d’éducation positive.  

On observe une montée importante de la littérature scientifique qui interroge la validité et l’efficacité de cette éducation positive : les programmes d’interventions affirment qu’ils produisent des ressources essentielles pour la réussite éducative, mais il n’y a pas de preuves robustes concernant ces résultats, notamment en raison du manque d’études empiriques et comparatives, mais aussi à cause d’une méthodologie qui présente des lacunes et des biais idéologiques importants.  

Edgar Cabanas interroge cette notion d’éducation positive. Selon lui, il s’agit d’un terme générique pour la mise en œuvre, dans les écoles, de ces interventions de psychologie positive qui « ont fonctionné » dans des contextes thérapeutiques, des organisations ou à l’armée. L’éducation positive s’inspire de plusieurs initiatives ambitieuses qui ont été réalisées dans des contextes scolaires aux États-Unis, au Royaume-Unis et en Australie à partir de plusieurs programmes d’intervention. Deux caractéristiques principales sont fondatrices de ce courant :   

  • une approche purement positive de l’éducation, qui s’attache à mettre l’accent  sur la réparation des comportements négatifs et dysfonctionnels (comme le burnout, l’échec scolaire, le harcèlement) en promouvant principalement des comportements positifs et fonctionnels (comme la résilience, l’estime de soi, l’espoir, la créativité, la gratitude, la réussite…). Les avantages éducatifs mis en avant sont la réduction des problèmes mentaux chez les élèves, la prévention des problèmes de santé mentale et une meilleure satisfaction de la vie chez les jeunes, ainsi qu’un sentiment d’épanouissement plus élevé.
     
  • le postulat que le bien-être conduit à un meilleur apprentissage et à de meilleurs résultats scolaires. Le bien-être établirait une relation de cause à effet entre les humeurs positives, les compétences et les performances scolaires. Les deux raisons seraient que « les élèves font les choses bien quand ils se sentent bien » et qu’à l’inverse des émotions négatives, qui ne font que faciliter la pensée critique, les émotions positives ouvrent un plus grand éventail de possibilités de réflexion et de créativité. Le bien-être aiderait ainsi à réduire l’écart entre les jeunes favorisés et défavorisés en facilitant l’employabilité et les performances scolaires et professionnelles.  

Les principales critiques sont celles que l’éducation positive ne respecte pas les normes scientifiques et n’apporte pas les avantages éducatifs mis en avant par les défenseurs du mouvement. Ces derniers ont eux-mêmes reconnus d’importantes limites et de problèmes liés à ce mouvement, notamment d’un point de vue méthodologique. Les défenseurs reconnaissent aussi l’absence d’approches normalisées pour mesurer les compétences sociales et émotionnelles, la prise en compte très limitée des facteurs contextuels ainsi que des biais de publication avec des effets incohérents d’une étude à l’autre. Le problème avec l’éducation positive n’est pas seulement le fait que les preuves à l’appui sont généralement rares et insuffisantes, mais que le mouvement est aussi incohérent sur le plan théorique, comme le soulignent plusieurs auteurs. Plusieurs exemples ont même montré que toute relation de cause à effet est non seulement insoutenable à la lumière des preuves disponibles jusqu’à présent, mais il est même plutôt probable que cette relation de cause à effet soit inversée et que certaines interventions ont même donné des résultats contre-productifs. En Espagne, la situation est similaire aux autres pays, et cela s’explique par le fait que finalement les mêmes arguments, problèmes, promesses de ce mouvement sont répétés dans le monde entier. Il y a peu de différences selon les pays.

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Grant Duncan (Université de Massey, Nouvelle-Zélande):  Nouvelle-Zélande: Inégalités scolaires dans un système à hautes performances

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Grant Duncan est professeur associé à l’Université de Massey (Nouvelle-Zélande). Il enseigne les sciences politiques, principalement dans les domaines de la politique publique et de la théorie politique. Il commente activement les affaires publiques en Nouvelle-Zélande et a publié de nombreuses revues, notamment sur la notion de bonheur.
Dans sa présentation, il souligne un paradoxe à propos de la situation de son pays, la Nouvelle-Zélande. Dans l’enquête PISA, la Nouvelle-Zélande affiche des résultats supérieurs à la moyenne en sciences, en mathématiques et en lecture, mais ce pays présente également un écart de performance important entre les élèves favorisés et défavorisés. L’effet du contexte socio-économique sur les scores PISA semble en réalité être plus élevé en Nouvelle-Zélande que dans la moyenne de l’OCDE.
Cette inégalité ne peut pas s’expliquer par l’immigration, car la sélectivité de la politique d’immigration en Nouvelle-Zélande favorise les migrants qualifiés et les enfants d’immigrants s’en sortent donc mieux que la moyenne en Nouvelle-Zélande. Cependant, les taux de réussite scolaire sont plus bas pour les groupes socio-économiques défavorisés, pour les communautés Maories et indigènes et pour les communautés des îles du Pacifique.
La Nouvelle-Zélande a une longue tradition d’éducation publique gratuite, mais il s’agit d’un système mono-culturel basé sur le modèle anglais et dans lequel la langue et la culture Maories autochtones sont peu ou pas reconnues. Parler Maori a même été puni. Les enfants des familles Maoris et Pasifika sont plus susceptibles de commencer leurs vies avec plusieurs sources de désavantages qui se recoupent. Les revenus des ménages ont tendance à être en moyenne plus bas, les parents sont plus susceptibles d’occuper des emplois moins qualifiés et sont plus souvent en situation de chômage.

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Selon Grant Duncan, l’enquête PISA contribue à un modèle mono-culturel de réalisation individuelle et de performance du système, afin que les résultats permettent de disposer de statistiques comparables au niveau international et de ce qui doit être mesuré et géré. Mais les compétences mesurées par PISA ne représentent pas non plus toutes les formes possibles de succès scolaires ou d’apprentissage des compétences pratiques. Les communautés Maories et Pasifika sont beaucoup moins individualistes, alors que les résultats des tests PISA sont basés sur les réalisations individuelles.
Face à ces problèmes, la première école Maorie a ouvert ses portes dans les années 1980 et a été reconnue comme faisant partie du système scolaire. En outre, dans les années 2000, le projet Kotahitanga a été mis en place dans les écoles pour améliorer les résultats scolaires de tous les élèves Maoris en établissant des relations solides entre les parents Maoris et la communauté. Les résultats des élèves Maoris dans les écoles Kotahitanga, par rapport à des groupes similaires, ont été très positifs.

Nigel Thomas  (Université du Central Lancashire, Royaume-Uni): Bien-être, reconnaissance et participation: le défis des écoles

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Nigel Thomas est professeur émérite sur les questions d’enfance et de jeunesse à l’Université de Central Lancashire (Royaume-Uni). Il présente ici deux enquêtes menées dans l’est de l’Australie depuis 2014. Ces deux enquêtes traitent du concept de bien-être des élèves, la première portant sur le sentiment de reconnaissance à l’école et la seconde sur le besoin de participation.

La première enquête, intitulée « Améliorer les approches en matière de bien-être à l’école : quels rôles joue la reconnaissance ? » et financée par l’Australian Research Council, a été réalisée en 2014. Cette enquête a pour objectif d’analyser comment le bien-être est compris par les étudiants, mais aussi par les enseignants et les décideurs, et d’étudier le facteur explicatif potentiel de la théorie de la reconnaissance en relation avec le bien-être, afin de générer de nouvelles politiques éducatives pour le bien-être des élèves.
Développée par Axel Honneth en 1995, la théorie de la reconnaissance est basée sur l’idée hégélienne selon laquelle nous nous définissons et nous construisons nous-mêmes par rapport à «l’autre ». Honneth a également montré qu’il existait trois types de reconnaissance intersubjective : 

  • L’amour : une relation intime dans laquelle se développe le sens de soi, 
  • Les droits : qui imposent le respect mutuel en tant que personnes sous les mêmes lois, 
  • La solidarité : qui est une estime réciproque dans la contribution à des valeurs partagées. 

L’enquête permet de voir comment la reconnaissance et le bien-être interagissent à l’école. Elle s’est déroulée de trois manières : d’abord par des entretiens avec des enseignants et des directeurs d’école, puis par des groupes de discussion composés d’élèves du primaire et du secondaire et enfin par un sondage en ligne auprès des élèves et du personnel.
Les enseignants et les élèves ont souligné l’importance de la qualité de leurs relations pour le bien-être des élèves à l’école. Le bien-être est au centre des relations. De plus, lors des groupes de discussion, les mots que les étudiants exprimaient en matière de bien-être peuvent être liés aux trois concepts de la théorie de la reconnaissance : l’amour (ou le sentiment de protection), les droits (ou le sentiment de respect), et la solidarité (ou le sentiment d’être valorisé). Les catégories de reconnaissance retentissent à la fois chez les étudiants et les enseignants et la mauvaise reconnaissance est également clairement décrite comme une entrave au bien-être. « Avoir son mot à dire » était également quelque chose de très présent lors des séances des groupes de discussion.

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La deuxième enquête porte sur le rôle de la participation dans le bien-être des élèves. L’élément à propos de la participation le plus important pour les étudiants est la collaboration avec les étudiants et les enseignants. Avoir de l’influence, avoir le choix ou avoir son mot à dire avec des personnes influentes est également important, tandis que le fait de s’exprimer n’a pas de lien significatif avec le bien-être si d’autres éléments sont pris en compte.
Les étudiants qui ont déclaré une plus grande participation ont également bénéficié d’une plus grande reconnaissance et d’un meilleur bien-être. Les résultats étaient les mêmes quels que soient le sexe, les caractéristiques culturelles, le handicap et le groupe d’âge. Cette deuxième enquête complète la première en montrant qu’une participation significative des élèves pouvait leur apporter une reconnaissance – car ils se sentent pris en charge, respectés et valorisés à l’école -, ce qui avait pour effet d’améliorer leur bien-être. 

Emmanuelle Godeau (EHESP, France) : La spécificité de la France sur l’école: Les perspectives de l’enquête HBSC

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La présentation d’Emmanuelle Godeau met en avant les spécificités de la France concernant la question scolaire et la place que l’école occupe au sein de la société française. Globalement, en France, les diplômes ont une place prépondérante lorsqu’il s’agit de trouver un emploi, ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres pays qui s’attachent beaucoup plus à différents facteurs, tels que l’expérience. De plus, il y a la question de l’urgence : il faut trouver un emploi à tout prix et le plus vite possible, et pour cela il faut obtenir un diplôme rapidement. Il y a donc une certaine pression de la part du système scolaire et de la société française pour que les élèves soient vite diplômés et ne se retrouvent pas en situation d’échec. En France, le statut professionnel est surévalué par rapport à d’autres composantes : les contenus académiques ont plus de valeur que les compétences techniques, ce qui accroît les inégalités. Ainsi, les familles françaises, notamment de classe moyenne, ont des stratégies complexes pour choisir les écoles de leurs enfants : l’éducation est considérée comme un investissement pour l’avenir. Les parents doivent s’investir et les enfants connaissent une pression importante pendant tout leur parcours scolaire.  

 L’enquête HBSC (Health Behaviour in School-aged Children) est une enquête internationale qui porte sur la santé et les comportements de santé des adolescents de 11, 13 et 15 ans. Elle est conduite tous les quatre ans depuis 1982 sous l’égide du bureau régional Europe de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et rassemble, dans sa dernière vague, plus de 40 pays permettant d’établir un profil précis de la santé et du bien-être des adolescents, ainsi que d’en mesurer les évolutions. A partir des données 2014 et 2018, et de plusieurs indicateurs scolaires (le fait d’aimer ou non l’école, la perception de ses propres capacités scolaires, la pression ressentie par le travail scolaire, la perception du futur et le redoublement), Emmanuelle Godeau nous présente plusieurs résultats.  On apprend que les filles disent plus souvent aimer l’école que les garçons, mais qu’avec l’avancée en âge, et notamment après la première année passée au collège, les filles comme les garçons ont tendance à de moins en moins aimer aller à l’école, ce qui est un résultat très particulier à la France. Le fait de moins aimer l’école quand on grandit se retrouve dans tous les autres pays, mais ce qui est spécifique à la France, c’est la forte chute d’élèves disant aimer l’école entre 11 ans et 13 ans, avant de retrouver un intérêt à l’âge de 15 ans.  Quelque chose de difficilement explicable se passe à l’école française au début du collège, qui fait que les élèves sont contrariés par l’environnement scolaire autour de 13 ans.  

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Les analyses nous apprennent également que les élèves français sont assez peu stressés par le travail scolaire en comparaison aux autres pays, bien qu’avec l’avancée en âge, les filles disent être de plus en plus stressées.  Concernant le harcèlement à l’école, en France, on compte 12% de victimes et environ 9% de harceleurs. 3% sont à la fois des victimes de harcèlement et à la fois harceleurs eux-mêmes. Mais ce que l’on remarque en France et qui est une bonne nouvelle, c’est qu’aux âges de 11 et 15 ans, le harcèlement scolaire a connu une nette diminution entre 2010 et 2014, sachant que pour la première fois en France, en 2011, il y a eu une campagne nationale pour lutter contre le harcèlement à l’école, qui a manifestement été, selon ces résultats, efficace.
Emmanuelle Godeau montre également que les élèves qui aiment beaucoup l’école sont aussi ceux qui expriment se sentir en meilleure santé et ressentir un niveau élevé de bien-être. Ils expriment également moins de plaintes et n’ont pas de risque de dépression. Il y a donc une forte association entre le rapport à l’école et la santé de l’élève.

Kevin Diter (EHESP, France): « Je te déteste, moi non plus » : Fortunes et infortunes des enfants durant les récrés et le rôle important des adultes

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Dans sa communication, Kevin Diter propose d’explorer ethnographiquement la question du bien-être des enfants qui, depuis une vingtaine d’années, a principalement été investie de manière quantitative. Durant cette période, les chercheur.e.s se sont surtout intéressé.e.s à la mesure du bien-être des garçons et des filles, en se concentrant sur la création soit d’indicateurs de santé physique et mentale, soit sur ceux de richesses matérielle et familiale – ou d’autres indicateurs dits objectifs. Une fois créés, ils et elles se sont attaché.e.s à en évaluer les principaux facteurs structurels et psychologiques, ceux qui permettaient au mieux d’expliquer les variations de condition de vie entre enfants dans un même pays, mais également entre différents pays. Toutefois, en se focalisant sur les multiples définitions et visions souvent adultocentrées du bien-être, c’est-à-dire faites par et pour des adultes, ces recherches ont rendu la définition du bien-être complexe et polysémique et ont surtout laissé dans l’ombre la parole des enfants, et notamment ce qui, selon eux, est source de bonheur, de malheur, de bien-être et de mal-être, que ce soit à l’école ou à la maison.  

Pour pallier ces limites et comprendre précisément ce qui rend les enfants heureux, l’auteur propose de penser la question du bien-être « en pratique » et « en creux », i.e. en décrivant avec précision les situations et les comportements ou attitudes qui rendent les enfants malheureux ou tristes, en insistant à chaque fois sur leurs conditions sociales de possibilité. En d’autres termes, il invite à s’intéresser de près aux déterminants concrets du mal-être des filles et des garçons pour avoir une idée des facteurs promouvant leur bonheur. 

Plus précisément, il souhaite souligner, à partir d’une ethnographie d’un an dans une école primaire et un centre de loisirs parisiens, ce qui : 

  • (1) dans les temps libres des enfants à l’école, les font pleurer et les rendent mal à l’aise, voire les amènent à se battre les uns avec les autres ; 
  • (2) Ainsi que le rôle respectif que jouent les pairs et les adultes dans ces situations difficiles pour les enfants. 

Dans un premier temps, Kevin Diter met en évidence les deux principales raisons qui rendent les filles et les garçons tristes, malheureux, ou du moins les font pleurer et se battre durant la récréation. La première, la plus connue, est l’absence de copains ou de copines avec qui jouer pendant les périodes libres à l’école. Il montre que le fait de se retrouver seul.e et de ne pas pouvoir s’amuser avec quelqu’un.e est particulièrement difficile à vivre pour les enfants des deux sexes dans la mesure où ils et elles ne peuvent pleinement exercer leur « métier d’enfant ». Ils et elles ne peuvent rigoler, s’amuser, faire des jeux (ou des bêtises), et ce faisant « ne font que rien que s’ennuyer, ce qui est trop nul ! ». La deuxième situation, qui est en partie liée à la première, est lorsque les garçons et les filles perdent la face devant les adultes et leurs copains/ines. C’est le cas quand ils font des « choses stupides » et qu’ils et elles sont reprimandé.e.s par les enseignant.e.s ou encore lorsqu’ils ou elles sont « contaminé.e.s » et que tous les autres enfants les fuient comme la peste dès qu’ils/elles s’approchent. 

Le sociologue conclut son exposé en soulignant le fait que ces situations difficiles à vivre pour les enfants n’arrivent pas au hasard et ne concernent pas tous les enfants. Elles se retrouvent surtout chez les enfants des classes populaires et les filles et agissent comme un moyen de hiérarchiser la cour de récréation et de recréer l’ordre social et l’ordre du genre.

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Cecilia Von Otter (Université de  Stockholm, Suède) : Scolarisation, bien-être et agency chez les enfants suédois

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Cecilia Von Otter (Université de Stockholm, Suède) présente les grandes caractéristiques du système scolaire suédois et quelques résultats d’analyses issus d’enquêtes quantitatives (PISA, OCDE, TIMSS). En Suède, l’école est régionalisée ; certaines régions ont des mauvais résultats et connaissent de nombreux problèmes dans les écoles. D’une ville à une autre, et même parfois d’un quartier à un autre, on observe beaucoup de différences en termes de réussite scolaire des élèves. Le système scolaire suédois est notamment reconnu pour sa grande qualité de l’école maternelle, son fort taux de couverture et son coût avantageux. Mais les performances scolaires des élèves ne sont mesurées qu’à partir du collège, ce qui est relativement tard. Le but est de rapidement mettre en place la mesure des performances scolaires plus tôt afin d’améliorer le système scolaire suédois et le soutien aux élèves, qui à ce jour n’est mis en place qu’à partir de l’âge de 12 ans. En Suède, les écarts de résultats des élèves en fonction de leurs statuts socio-économiques sont en augmentation et cette mesure des performances scolaires tardive contribue à la ségrégation scolaire selon le niveau d’éducation des parents et le statut migratoire. Même dans les écoles les moins ségrégés, les élèves issus de milieux moins avantagés y arrivent moins bien que les autres. Nous avons besoin d’être plus attentifs à ces inégalités, qui, depuis les années 2000 tendent malgré tout à se réduire légèrement.  

A partir d’un graphique qui présente des tendances issues d’enquêtes internationales sur le rapport des élèves à l’école dès les années 2000, on apprend que depuis 2006, la plupart des élèves suédois enquêtés rapportent une atmosphère agréable et positive dans leur classe. Cependant, les élèves sont de moins en moins nombreux à déclarer que l’école leur donne le désir d’apprendre plus. Cécilia Von Otter explique que la recherche grandissante du succès académique, plutôt que de l’apprentissage de connaissances, pourrait être une explication à cette baisse. Les résultats nous apprennent également que, depuis 2002, de plus en plus d’élèves déclarent ressentir un stress tous les jours à l’école. Concernant les liens avec les parents en Suède, 90% des enfants âgés de 10 à 18 ans disent qu’ils s’entendent bien avec leurs parents et que ceux-ci ont du temps à leur consacrer (92% des enfants disent que leur mère est disponible et 87% pour les pères). Mais les parents ont besoin d’être aidés sur la question des réseaux sociaux, car l’utilisation des supports numériques a considérablement augmenté et Internet est aujourd’hui pleinement intégré dans la vie quotidienne de la plupart des enfants. En semaine, les enfants suédois de 12 à 15 ans sont 51% à passer au moins 3h/jour sur Internet, et 72% quand ils ont entre 16 et 18 ans. Le risque avec ces réseaux sociaux est le cyber-harcèlement. La solution, pour éviter cela, n’est pas de leur interdire l’accès, mais plutôt d’en discuter avec eux et de s’y intéresser.  

Cecilia Von Otter présente également des résultats concernant la santé et le bien-être des adolescents entre 2004 et 2016 et démontre que les filles sont beaucoup plus nombreuses que les garçons à avoir des petits problèmes (inquiétudes, peurs, anxiété) entre 15 et 24 ans : autour de 50% d’entre elles contre environ 30% pour les garçons. Concernant les problèmes plus sévères, les filles sont également plus nombreuses que leurs homologues masculins, mais l’écart est beaucoup plus resserré : elles sont 10% à affirmer cela et environ 7% pour les garçons. Ces résultats doivent être pris au sérieux, afin de pouvoir prévenir les risques de problèmes mentaux et de suicides. Les résultats montrent également que les jeunes suédois prennent de plus en plus d’antidépresseurs entre 15 et 24 ans et souffrent de plus en plus de troubles du comportement.  

Il est important de rappeler aux décideurs politiques d’être attentifs aux conditions de vie des enfants et des adolescents afin qu’ils s’interrogent sur l’impact de leurs décisions sur la majorité des enfants, mais aussi sur les enfants les plus vulnérables. Cecilia Von Otter conclue en affirmant qu’il faut faire pression afin que des politiques soient mises en place pour améliorer l’environnement social des enfants, tout en surveillant la redistribution socio-économique nécessaire à un « bon environnement ».

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Kathryn Ecclestone (Université de Sheffield, Royaume-Uni): Changer le sujet de l’éducation: l’impact de la crise des approches de la vulnérabilité sur le bien-être

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Kathryn Ecclestone est professeure associée en éducation à l’Université de Sheffield (Royaume-Uni). Sa recherche explore les façons dont la préoccupation à propos du « bien-être émotionnel », de la  « résilience » et de la « vulnérabilité » encourage la diffusion d’idées et de pratiques issues de la thérapie, du conseil et de la psychologie dans l’ensemble du système éducatif, en modifiant les relations enseignants/étudiants, les programmes et les systèmes de soutien.

Kathryn Ecclestone est la co-auteure de l’ouvrage The Dangerous Rise of Therapeutic Education (2008) avec Dennis Hayes et de Emotional Well-Being in Educational Policy and Practice (2017). Elle souligne que, depuis les années 1990, en Grande-Bretagne, de nombreux rapports de politique générale, ainsi que les médias sociaux et traditionnels ont fait apparaître un sentiment de crise persistant et apocalyptique à propos du déclin de l’état émotionnel et psychologique des enfants et des jeunes britanniques. Ce sentiment a commencé à se mêler au contenu des programmes, à la pédagogie et à l’évaluation, ainsi qu’aux croyances et aux valeurs. Selon elle, cette période a mis en avant la montée de la culture thérapeutique au sein l’éducation.
Dans ce contexte, les étudiants, comme les autres membres de la société, sont présentés comme intrinsèquement vulnérables sur le plan psychologique. Ils sont perçus comme potentiellement fragiles, anxieux, stressés ou soumis à des pressions. « Vulnérable » est devenu un mot très utilisé dans les familles, les médias, les pratiques institutionnelles et les conversations en Grande-Bretagne. Kate Brown a parlé en 2015 d’un « Zeitgeist de la vulnérabilité ».
Kathryn Ecclestone affirme que cette vision d’un individu diminué encourage les hypothèses sur l’impact négatif de la connaissance du programme, de l’enseignement et de l’évaluation sur le bien-être et qu’un des résultats possibles est le risque d’une prophétie auto-réalisatrice qui rende les élèves, les éducateurs et les parents de plus en plus prudents à propos de l’impact psycho-émotionnel de l’éducation. Selon elle, cela crée des tensions entre le fait d’encourager l’autonomie et la capacité de faire face aux déceptions et aux défis quotidiens, et celui de fournir un soutien efficace aux besoins réels psycho-émotionnels.
En conséquence, le bien-être est devenu un objectif clé à tous les niveaux du système éducatif. Elle souligne une série d’initiatives politiques reflétant une compréhension vague du “bien-être », qui a été présenté comme un « aspect social et émotionnel de l’apprentissage » et « bien-être émotionnel », comme une notion de « résilience » associée à « l’éducation du comportement » et à « l’endurance mentale » et, actuellement, à la « santé mentale ». Ces discours, promus par l’industrie commerciale du bien-être et les groupes de lobbying, ont institutionnalisé les revendications psychologiques, le vocabulaire et les activités en tant que moyens de prévention et d’amélioration d’un faible bien-être et de la santé mentale dans tous les milieux éducatifs. Ce contexte de la culture thérapeutique avait déjà eu un impact tel que la surveillance constante du bien-être et de la santé mentale des étudiants, ou la création d’un programme d’études favorable à la santé mentale (par exemple, éviter de parler du viol dans les cours de droit, de la violence raciale ou sexuelle dans la littérature ou des examens sur l’étude séminale d’Emile Durkheim sur le suicide de la psychologie de niveau A).

Au lieu de cela, Kathryn Ecclestone appelle à une approche plus holistique du bien-être, basée sur une connaissance enrichie des programmes, des activités significatives qui entraînent les jeunes dans un monde extérieur, des relations sociales fortes et des attentes positives.

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Michel Vandenbroeck (Université de Gand, Belgique):  Les programmes d’éducation préscolaire et de garde dans la petite enfance sont -ils une solution aux inégalités ou font-ils partie du problème?

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Michel Vandenbroeck (Université de Gand, Belgique) examine de manière critique le discours sur les services d’éducation et d’accueil des enfants en tant que solution aux problèmes d’inégalités. Il souligne que ces dernières décennies, les politiques en charge de cette question se sont orientées vers une notion d’égalité des chances, à la place de l’égalité des résultats, assimilant la petite enfance à un « égalisateur ». L’accent mis sur l’égalité des chances concorde avec la transformation des politiques allant de la redistribution de la richesse à la question de l’ « equalisandum » (terme philosophique qui signifie que dans une conception égalitaire de la justice, les avantages doivent être égalisés entre les membres d’une même communauté). L’éducation en général et l’éducation pendant la petite enfance est de plus en plus considérée comme une question centrale dans la politique d’égalité des chances. Michel Vandenbroeck relève trois principes qui, selon lui, sont caractéristiques de notre société actuelle et qui s’appliquent également au domaine de l’éducation des enfants : 

  • « Tout doit être consensuel » : l’éducation de la petite enfance apparaît comme étant la solution potentielle et consensuelle à de nombreux problèmes sociaux.  Michel Vandenbroeck rappelle les propos de Frank Field (2010) affirmant que ce sont surtout le statut familial, l’éducation parentale, les bonnes pratiques parentales et les possibilités d’apprentissage et de développement qui comptent plus pour les enfants que l’argent pour déterminer si leur potentiel est réalisé à l’âge adulte. C’est un constat qui est avancé pour solutionner les problèmes sociaux dans les pays anglo-saxons, mais aussi en Belgique. 
  • « Tout doit être économique » : la prédominance des problèmes économiques a affecté l’éducation de la petite enfance. Cela a d’abord été perceptible par sa marchandisation croissante, basée sur les hypothèses selon lesquelles les marchés renforcent la concurrence et garantissent ainsi la qualité et l’efficacité économique. Cette marchandisation est également visible à travers les arguments économiques avancés lorsque sont discutées les politiques de la petite enfance (avec l’importante notion du « retour sur investissement », ainsi que la célèbre « courbe de Heckman » qui illustre qu’investir auprès des plus jeunes enfants rapporte un haut rendement économique).  
  • « Le profane ne peut pas comprendre » : depuis les années 2000, les discussions autour des neurosciences dans l’éducation prévaut, suscitant qu’elles expliqueront tout. Les neurosciences et les images du cerveau sont de plus en plus présentes dans les documents des décideurs, mais aussi des ONG, en préconisant des investissements dès les premières années. L’accent est également mis sur les parents déficitaires avec le recours à des programmes de formation des parents pour améliorer leurs compétences parentales.  

Selon un rapport de la Commission européenne (2019), tous les états membres de l’UE sont confrontés à des taux de scolarisation inférieurs pour les enfants des minorités ethniques, les enfants réfugiés et les enfants des familles pauvres, par rapport à la population générale. Ces inégalités concernent essentiellement les plus jeunes enfants et sont plus élevées lorsque les taux de scolarisation sont moins importants qu’ailleurs. De plus, les conditions ne sont pas souvent réunies pour que le préscolaire soit à la hauteur des attentes de la société, en ce qui concerne la création de l’égalité des chances. Les attentes sont de plus en plus fortes, mais ne sont pas accompagnées d’investissements ou de pédagogies permettant au préscolaire de répondre à ces attentes.   

Il convient d’ouvrir le débat sur les objectifs de l’éducation pendant la petite enfance (et sur qui doit participer à ce débat). Est-ce que la protection et l’éducation de la petite enfance est le meilleur outil pour lutter contre la pauvreté des enfants ? Les travaux de recherche ont montré que cela pouvait atténuer l’impact de la pauvreté sur les enfants et pouvait ainsi contribuer à l’égalité des chances et donc à une société plus juste. En revanche, ce n’est pas le bon outil pour résoudre des problèmes qui sont essentiellement matériels et sociaux.  

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Cath Larkins (Université du Central Lancashire, Royaume-Uni): Ré-imaginer l’école du point de vue des enfants et adolescents marginalisés

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Cath Larkins est chargée de recherche sur la citoyenneté des enfants à l’Université de Central Lancashire (Royaume-Uni). Elle est spécialisée dans les théories et les pratiques de recherche participative ainsi que dans la vie des enfants et la citoyenneté sociale. Elle a travaillé en tant que chercheuse, consultante en participation et activiste des droits de l’enfant pour Save the Children, The Children’s Society, Action for Children et le gouvernement gallois.

Dans sa présentation, Cath Larkins analyse des données issues d’une recherche participative menée pendant 10 ans auprès d’enfants et de jeunes marginalisés afin d’explorer leurs expériences et leurs aspirations pour leur présent et leur avenir. Elle souhaite exposer ici certaines des principales tensions entre les attentes dominantes concernant les enfants et leurs propres objectifs, en soulignant l’importance des conceptions opposées de la citoyenneté des enfants.
Selon elle, il existe effectivement une tension entre la politique éducative aux niveaux européen et national, dans laquelle les gouvernements et les parents s’attendent à des résultats scolaires satisfaisants des enfants, et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Dans le premier cas, l’éducation est perçue comme donnant les compétences clés nécessaires à une économie précaire dans laquelle les individus doivent s’adapter pour répondre aux exigences d’une économie en mutation. Dans ce dernier cas, l’éducation soutient le développement complet de l’enfant pour l’adapter à sa personnalité et à ses intérêts, et la citoyenneté n’est pas considérée comme une responsabilité, mais comme un droit.
A partir de dix études, composées d’entretiens qualitatifs et de groupes de discussion, qu’elle a menées entre 2003 et 2019, Cath Larkins identifie six thèmes liés au bien-être pour lesquels les enfants ont exprimé une volonté de changement : 

  1. Les relations entre pairs : les enfants ont exprimé leur besoin d’absence d’intimidation, de présence d’amitié et de relations positives entre pairs, 
  2. Les relations avec le personnel enseignant : les enfants souhaitent un environnement d’apprentissage positif, exigeant une bonne attitude de la part du personnel enseignant et des systèmes de soutien, 
  3. Inclusion et diversité : les enfants ont affirmé leur besoin de reconnaissance et de respect des expressions culturelles et des différences ethniques, ainsi que du personnel pour pouvoir comprendre ces problèmes et permettre des relations de confiance à long terme avec les parents, 
  4. Des possibilités d’apprentissage pertinentes : les enfants ont exprimé le besoin d’une offre éducative personnalisée et de possibilités d’apprentissage par-delà les frontières, 
  5. Punition et vie privée : les enfants ont rapporté l’injustice de certaines punitions et de traitements dégradants, 
  6. La participation : les enfants ont émis le souhait d’être entendus, pris au sérieux et de participer à l’élaboration de solutions aux problèmes qu’ils rencontrent, plutôt que d’avoir le sentiment de participer pour répondre aux objectifs d’autrui et de ne pas être écoutés. 

Afin d’intégrer une démarche davantage axée sur les droits des enfants, Cath Larkins pense que l’approche fondée sur les capacités serait plus pertinente. Les enfants peuvent être impliqués dans la définition des composants (capacités et fonctionnement) nécessaires au bien-être. De plus, l’approche par les capacités met l’accent sur l’égalité des résultats et non sur les opportunités. Elle exige donc une adaptation individualisée de l’éducation et de l’offre sociale pour remédier aux inégalités.
Cath Larkins a également conceptualisé les pratiques de citoyenneté des enfants à l’école comme suit : la négociation des règles de coexistence (qui sont liées aux pratiques de vote et d’adoption de la loi par les adultes) ; les contributions sociales (qui promeuvent et répondent aux attentes dominantes de bien social) ; et la citoyenneté néo-libérale (le fait de remplir ses propres droits en l’absence de disposition sociale).

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Cath Larkins conclut que le débat public devrait être engagé avec les enfants, considérés comme des partenaires, qui peuvent définir leur bien-être, donner des informations et s’impliquer davantage dans la co-direction des améliorations scolaires. Cela répondrait également aux besoins de la société et à certaines des préoccupations de l’UE : créer un environnement dans lequel l’individualité est valorisée, la créativité activée, l’équité vécue et des objectifs communs pour un avenir durable. 

Mis à jour le 13 février 2020